Sur sa cime un ormeau supporte un noir corbeau Et en son cœur et en un nid vit une pie Mais si le géant dans la pluie reste encor’ beau Qu’en est-il de ceux-ci que l’eau vive estropie ?
L’anthracite et le blanc sont de neutres couleurs Ne protégeant pas les porteurs de ce plumage ; Le vert de l’arbre luit et chasse les douleurs Venues dans l’orage pour causer du dommage.
Son rayonnement si puissant et sa grandeur S’attendrissent devant de si vils volatiles Indifférents à son rôle de commandeur Dont les doctes pensées ne sont pas versatiles.
C’est que l’arbre a un pied, un tronc et au sommet Une tête portant un message céleste Dans lequel, jadis, le Créateur lui sommait De toujours conserver un esprit vif et leste.
Le végétal humain connaît sa mission Qui est d’ombrer pré, champ, lac, étang, pâturage, D’abriter sans mendier sa permission Le corbeau et la pie, le temps d’un tuteurage.
Dans ses bras avenants, se réfugie le nid Et le vent jouant se balance en son feuillage ; Le rai du soleil le transperce et le brunit Et l’averse de pluie assure son mouillage.
Il traverse l’hiver et les amis du froid Venus le tourmenter dont le gel et la neige Mais le vénérable patriarche est le roi Qui sait repousser les affres du sacrilège.
L’agressent chenille et papillon gris de nuit Mais il se défend feuille à feuille et branche à branche ; S’il éprouve souvent du mal et de l’ennui Sa constitution tranche de façon franche.
A ses pieds, un midi, il sentit un « bandit » Et sa cime avertie, ordonna que s’étende Sa frondaison dense et l’ombre ainsi s’agrandit Assez pour que la nuque inconnue se détende.
Un coucou a chanté, un autre a répondu ; Une feuille a tremblé sur sa branche vibrante Et dans un nid un œuf – miracle ! - fut pondu Afin de rendre hommage à cette âme attirante
Ne dédaignant pas, dans cet humain végétal Accepter l’animal, quelle que soit sa race Comme si c’était un devoir sacerdotal De lui accorder le partage de sa grâce.
Bien qu’il est un auguste, orgueilleux souverain, L’arbre - sans dire un mot - développe son ombre Sous sa large amplitude et voit le riverain Et le marcheur lointain, le peupler en bon nombre.
L’humain, sous ses souliers, pourrait bien écraser La fourmi ailée ou la primevère en fête Alors que l’orme par l’aile se fait raser Puis ira se poser franchement sur son faîte
Et à son pied épais qui plonge sous son tronc Viennent s’agglutiner les amateurs d’ombrage Autour de ses côtés qui ne sont qu’un long rond Prêt à les abriter sauf quand survient l’orage
Car s’il laisse passer la foudre dans l’éclair Qui va frapper le sol de sa charge brûlante, Le passager n’a pas un esprit aussi clair
Ni le même pouvoir de l’imposante plante A esquiver ce trait absolument mortel Si précis qu’il serait loin d’être accidentel.