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Jean-Michel BOLLET

Le végétal humain

Sur sa cime un ormeau supporte un noir corbeau
Et en son cœur et en un nid vit une pie
Mais si le géant dans la pluie reste encor’ beau
Qu’en est-il de ceux-ci que l’eau vive estropie ?

L’anthracite et le blanc sont de neutres couleurs
Ne protégeant pas les porteurs de ce plumage ;
Le vert de l’arbre luit et chasse les douleurs
Venues dans l’orage pour causer du dommage.

Son rayonnement si puissant et sa grandeur
S’attendrissent devant de si vils volatiles
Indifférents à son rôle de commandeur
Dont les doctes pensées ne sont pas versatiles.

C’est que l’arbre a un pied, un tronc et au sommet
Une tête portant un message céleste
Dans lequel, jadis, le Créateur lui sommait
De toujours conserver un esprit vif et leste.

Le végétal humain connaît sa mission
Qui est d’ombrer pré, champ, lac, étang, pâturage,
D’abriter sans mendier sa permission
Le corbeau et la pie, le temps d’un tuteurage.

Dans ses bras avenants, se réfugie le nid
Et le vent jouant se balance en son feuillage ;
Le rai du soleil le transperce et le brunit
Et l’averse de pluie assure son mouillage.

Il traverse l’hiver et les amis du froid
Venus le tourmenter dont le gel et la neige
Mais le vénérable patriarche est le roi
Qui sait repousser les affres du sacrilège.

L’agressent chenille et papillon gris de nuit
Mais il se défend feuille à feuille et branche à branche ;
S’il éprouve souvent du mal et de l’ennui
Sa constitution tranche de façon franche.

A ses pieds, un midi, il sentit un « bandit »
Et sa cime avertie, ordonna que s’étende
Sa frondaison dense et l’ombre ainsi s’agrandit
Assez pour que la nuque inconnue se détende.

Un coucou a chanté, un autre a répondu ;
Une feuille a tremblé sur sa branche vibrante
Et dans un nid un œuf – miracle ! - fut pondu
Afin de rendre hommage à cette âme attirante

Ne dédaignant pas, dans cet humain végétal
Accepter l’animal, quelle que soit sa race
Comme si c’était un devoir sacerdotal
De lui accorder le partage de sa grâce.

Bien qu’il est un auguste, orgueilleux souverain,
L’arbre - sans dire un mot - développe son ombre
Sous sa large amplitude et voit le riverain
Et le marcheur lointain, le peupler en bon nombre.

L’humain, sous ses souliers, pourrait bien écraser
La fourmi ailée ou la primevère en fête
Alors que l’orme par l’aile se fait raser
Puis ira se poser franchement sur son faîte

Et à son pied épais qui plonge sous son tronc
Viennent s’agglutiner les amateurs d’ombrage
Autour de ses côtés qui ne sont qu’un long rond
Prêt à les abriter sauf quand survient l’orage

Car s’il laisse passer la foudre dans l’éclair
Qui va frapper le sol de sa charge brûlante,
Le passager n’a pas un esprit aussi clair

Ni le même pouvoir de l’imposante plante
A esquiver ce trait absolument mortel
Si précis qu’il serait loin d’être accidentel.