Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Jean-Michel BOLLET

Le temps a passé

Le temps a passé ; ce soir, il est tard ;
Les pluies vont cesser, la glace est partie ;
Les pieds sont collés dans un sol bâtard ;
Le Sage, hélas, a perdu la partie.

René* l’avait dit : « gars, faites gaffe aux
Roues qui tournent trop, aux gras gaspillages »
Et il entendit : « c’est un gaga faux »
Mais le Sage a vu les sacs, les pillages.

Nicolas** savait ; le gotha rua
Dans les brancards et dans la terre ferme
Mais l’atmosphère, d’un coup, s’obstrua
Jusqu’à ce que la porte des cieux ferme.

Le Sage savait comme Nicolas
Mais le cérumen bouchait les oreilles
Des gars semant des graines de cola
A la place des grappes dans les treilles.

Et tournèrent les roues du poids lourdaud ;
Sortit l’âcre jus des puits de pétrole
Et la truite, le goujon des cours d’eau
N’assuraient plus du courant le contrôle.

Et s’entassaient les restes, les déchets
Avec l’énergie propre au nucléaire
Qui dopait queue et gueule des brochets
Venus en mer dans un lieu balnéaire.

Le plastique avait remplacé le bois
Et dans le papier s’extrayait la morve
Qui file du nez quand la gorge boit
Un vin frelaté sous le regard torve.

Le bœuf mélangeait avec le cheval
Muscles, sang, yeux, queues, joues, langue et poitrine,
Cachés derrière un loup de carnaval
Impossible à démasquer en vitrine.

La fée moderne (l’électricité)
Ayant pénétré le cœur du chauffage
A magiquement vu cette cité
S’éteindre à cause de son étouffage.

Le trop de trop – se dit-il – se finit
Et le soleil, la marée, l’éolienne
Font partie de ce qui se définit
Comme une source néandertalienne.

Le Sage a parlé : les nez sont au mur
Et le mur est la plus dure barrière
Que genou, tibia, péroné, fémur
Ne peuvent bouger d’avant ou d’arrière.

Le Sage a pleuré : les murs sont dressés ;
Les eaux vont monter sur la vieille Europe ;
Tous les messages seront adressés
A Dieu dans les cieux : ce vieux misanthrope.

Mais il est trop tard, fondent coaltar
Neige éternelle et gros blocs de banquise ;
L’abeille est déjà privée du nectar
Qu’offrait la fleur dans sa douceur exquise.

* René Dumont
** Nicolas Hulot