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Jean-Michel BOLLET

Le paradis blanc

Couche-toi, petite merveille,
Près de ton lit, ta mère veille ;
Ferme les yeux : tu vois la nuit
S’ouvrir pour prendre ton ennui.
Ta bouche dessine un sourire :
Oh ! Comme je voudrais l’écrire !
Sens-tu mes lèvres sur ton front
Chaudes comme ton édredon ?
Pousse un peu la porte du rêve :
Le paradis blanc de mère Eve
Attend avec un ange blond
Et le temps ne sera pas long
A ce qu'il soit ton bon complice
Afin que bientôt s’accomplisse
Ton vœu demandé à maman :
« M’envolerai-je au firmament
Où tous les gens sont en dimanche
Avec des fils d’or sur la manche,
Des étincelles dans les yeux
Comme celles qui sont aux cieux ? »
- M’entends-tu, petite merveille ?
Ton père est vieux, ta mère est vieille ;
Là-bas, la morsure du temps
Glisse sur la peau des titans
Coriace autant que la pierre
Tenant ouverte la paupière
Levée sur l’infinie beauté
De l’éternelle royauté.
Personne, au ciel, jamais ne dort
Et ignore où niche la mort ;
Un fleuve au goût d’amande coule,
La blanche colombe roucoule,
L’enfer est rempli d’eau de puits
Et Satan sur Dieu prend appui,
Le miel est laissé à l’abeille,
L’épeire tisse une corbeille
Où accourent les fruits sucrés
Pour s’offrir aux esprits sacrés.
- Laisse-toi, petite merveille
Aller au sommeil, maman veille ;
La nuit a mis son voile noir
Après la prière du soir
Devant la porte où la lumière
S’allume toujours la première
Quand s’avance à lents pas l’enfant
Qui craint le loup et l’éléphant.
Ta bouche a fini de sourire,
Je pourrai peut-être l’écrire ;
Tu me raconteras demain
Comment Eve te tient la main ;
Si elle oublie, dis-lui quand même :
« Oh ! je sais que ma mère m’aime. »