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Jean-Michel BOLLET

Le guitariste

Ce matin, assis sur le parvis de l’église,
Un garçon gratte la guitare avec ardeur
Et salue le passant qui ne s’immobilise
Qu’un instant en jetant un regard de froideur

Englué dans la lie de son petit tracas,
Marchant à petits pas pour éviter la chute,
Absorbé en pensées par l’étonnant fracas
De son conflit muet face à son âme brute.

Je me suis approché pour écouter l’artiste
Qui, surpris, s’arrêta, croyant à un affront
Puis, je vis s’envoler les doigts du guitariste
Et trois plis de souci qui lui barraient le front.

Il souriait, sa dent, « émincée », jaune et noire
Ne le gênait pas, il était habitué ;
Son chien était absent, inscrit sur l’écritoire
Qu’il avait à ses pieds. On lui avait tué.

Il cessa de jouer et se mit à parler,
Volubile et confus, de sa longue descente ;
Une larme dans l’oeil s’écoula pour perler
Sur sa joue grise et creuse, encore adolescente.

Et je vis des éclats de bonté infinie
Dans son regard de loup vitreux et suintant
Qui passait ses hivers avec l’ignominie
Après avoir mangé goulûment ses printemps.

« Je sais bien, c’est ma faute et n’accuse personne
D’autre que moi d’être monté dans un grenier
En maudissant une cloche qui toujours sonne
Et m’appelle : « il est temps de venir communier »

« Non, lui dis-je, en prenant ses mains violacées,
Vous avez simplement besoin que l’on vous aide ;
Votre âme et vos pensées se sont trop tôt lassées
Après avoir tenté de trouver un remède.

Vous fûtes un élève-apprenti qui fut pris
Dans un atelier gris dirigé par un maître
Bardé de « vérités » qui n’avait pas appris
Que toute chose humaine arrive à se démettre.

Vous souffrez : c’est assez ; vous n’êtes pas coupable ;
Ne vous comparez pas avec d’autres, les « Eux » :
Chacun fait ce qu’il peut et chacun est capable
De cacher son malheur sauf à Dieu aux doux yeux.

Que vous manque-t-il donc ? Faites-en l’inventaire !
Qui pourrait comme vous jouer d’un instrument ?
Moi, je ne sais aimer que ce qui est en terre,
Baudelaire et les vers : je vous l’avoue crûment !

Mon jardin a besoin qu’on surveille ses roses,
Tomates et navets, haricots et radis ;
Mais, je cause et je vois à vos joues toutes roses
Le désir d’ouvrir les portes du paradis

Qui n’est pas, à côté du soleil, dans le ciel,
Ou derrière un nuage avec Dieu et son ange
Mais tout près d’ici et son but essentiel
Est d’offrir ce qu’il faut à l’humain pour qu’il mange.

Venez faire danser la vie avec votre Art
Et vous réjouirez la plus humble salade
Prête à vous recevoir comme une super star
Et mon cœur chantera sa plus belle ballade !

Ami, venez gratter la terre et la guitare ;
Ne vous abstenez pas, votez pour ce duo ;
Une part vous sera pesée avec la tare
Et vous enverrez la plus grosse à ceux du haut.