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Jean-Michel BOLLET

Le faux feu électrique

Il faut que l’homme allume un faux feu électrique
Pour pouvoir voir ce qui ne peut être en dedans :
Un ersatz de lumière, un volume critique
Et l’Ancien qui se plaint d’une rage de dent.

C’est au dehors qu’est tout : le chant de la fauvette,
Le ruisseau bondissant, la fillette aux bras blancs
Et la queue d’un renard qui part à la sauvette
Se réfugier dans son terrier en tremblant.

Le temps dans l’espace s’étend, change de place ;
Il est si différent dans un enfermement :
Il va d’un mur à l’autre et repasse et se lasse
Et se casse contre un mur tenu fermement.

L’air stagne dans la plaine immense et le vent l’aide ;
Les blés des prés sont blonds ainsi qu’un bon garçon
Assis dans sa maison, dos rond, la jambe raide
Et l’anis avec au fond un dé de glaçon.

Rien dans le salon : ni buis, ni lys, ni chardon
Mais une plante née dans un coin (Ô miracle !)
Sans sembler étonnée, sans demander pardon
Car la Pythie l’a vue un jour dans un oracle.

C’est fou qu’une perruche, un bel asparagus,
Un Bichon tout frisé, un petit poisson rouge
Peuvent s’enticher de la main zélée d’un gus
Qui les tient prisonniers quand le monde entier bouge.

La liberté n’a ni parapluie, ni manteau
Mais du gel, des ondées, des rochers, des vallées,
Des bateaux dont le ciel est leur beau chapiteau
Qui les suit sans peser et sans tracer d’allées.

L’évasion a en sainte horreur les salons,
Les parquets, les livres qui volent son histoire ;
Elle vole avec sur sa veste des galons
Acquis par milliers lors d’un réquisitoire.

Casquette sur la tête ou béret ou chapeau
Et dans la menotte une canne ou une poche
Pleine d’un mouchoir, d’un couteau et d’un pipeau
Qui sert à être gai quand l’âme tourne moche

Et sous les pieds, la porte s’ouvre à chaque pas ;
Une porte sans clé, sans gâche et sans serrure
Dont le grand angle se mesure sans compas
Et qui a perdu le sens de la fermeture.

Plus de lit, plus de chambre à coucher l’enfant do,
Nouveaux-nés et parents, l’amant et la maîtresse,
Mais la fougère verte en guise de rideau
Et la timide lune enrôlée en prêtresse.

La diffusion des images par l’écran
Commandé par les émissions à distance
S’arrête faute de combattants dont le cran
Est d’affronter la réalité en substance.

Les légendes contées dans les appartements
Ne traitent guère de l’aile élancée de l’aigle,
De la mer rugissant et des comportements
Des paysans soignant leurs parcelles de seigle.

Dans la maison, se presse un bouton électrique
Pour pouvoir voir le mal qui se passe en dedans
Et claire alors un faux feu lui-même excentrique
Qui voit l’Ancien pleurant d’une rage de dent.