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Jean-Michel BOLLET

Le dormeur écrasé

J’ai connu un dormeur parlant d’un somnifère
Le soir avant d’aller se coucher dans son lit
Et rêvait - la nuit – d’un espace vinifère
Propice aux bœufs las de brouter le pissenlit.

Il disait : « mon ami sait pour le somme y faire
Et j’ai toujours vécu des nuits jusqu’au matin
Autorisant mon corps d’abord de satisfaire
Son envie de paître dans le quartier latin

Où ruminent dans une brumeuse atmosphère
Le troupeau de bovins parqués dans un lieu chaud
Mettant la tête à terre où gît un hémisphère
Plus à gauche qu’à droite aimant faire son show. »

Et mon dormeur a un copain neuroleptique
Auquel il cause assez pendant le déjeuner
Et en l’observant, il ne semble pas sceptique
Sur sa capacité d’être ivre et de jeûner.

C’est que ce malandrin, devenu hépatique
A force d’avaler son petit bâtonnet
Coloré pour doper la pensée fantastique
Raisonne intensément ainsi qu’un garçonnet

Qui craint autant souris, araignée que moustique
Venus par milliers dans un ciel encombré
D’anges blancs côtoyant Satan épileptique
Tuant Dieu après que le soleil a sombré.

Et il voit flotter des hordes d’éléphants roses
Dont l’un vient lui donner un bisou dans le cou
Et en sentant son nez, il compose des proses
Mais guère de vers qui lui coûteraient beaucoup.

Et il s’acoquine en plus et à fortes doses
Avec des mélanges d’acides aminés
Qui lui font prendre des vessies pour d’autres choses
(Peut-être des loups par des rats contaminés)

Les fréquentations qui causent sa névrose
Dûment recensée par son environnement
Amènent l’extase suivant la sinistrose
Et la descente qui suit le couronnement.

Il fut écrit : « la vie qui bouge avant se couche
Le sommeil qui viendra bien naturellement
Sans le faire passer par le trou de la bouche
Mais en l’accompagnant spirituellement. »

La force de l’esprit transforme ce qu’il touche
Et l’Enfer prendra un bon goût de paradis
Si se peut éviter la connaissance louche
Promettant la lune où ne croît pas un radis.

L’esprit fort stoppe le poison mis en cartouche
Projetée contre les lèvres afin d’entrer
Dans la gorge et pas un moustique ou une mouche
N’ose venir par peur de se faire éventrer.

L’anesthésie du corps endort l’intelligence
Et l’esprit corrodé, désaxé, va errer
Sans plus s’atteler à rechercher l’exigence
De s’élever très haut afin de s’aérer.

Le dormeur forcé est dans une diligence
Avançant sur un sol de trous et de cailloux
Tractée par des chevaux comprenant l’indigence
D’un chemin réservé aux pieds souples des sioux.

Soumettre ainsi la vie à une contingence
Lui ôte une partie de sa vitalité
Et si un faux-ami veut prendre la régence
A sa place, il vaut mieux qu’il soit vite alité.

Le dormeur obligé, attendit en veilleur
Aux portes du soir la lourde bête de somme
Qui lui dit « si tu veux au jour être meilleur
Laisse-moi t’endormir comme un bon homme, en somme. »