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Jean-Michel BOLLET

Le coq a chanté trois fois

Lourd et chaud est ce soir d’une fin de semaine
Ecrasant les cous mous de la peuplade humaine
Qui se croise et se frotte un coude un humérus
En sachant qu’elle fait partie du numerus
De ces travailleurs de ces ouvriers d’usine
De ces stagiaires qui oeuvrent en cuisine
Des petits boutiquiers des banquiers désœuvrés
Des vendeurs de souliers de ces gens manœuvrés
Par la modernité de ce siècle où la vie
Ne se réussit que quand elle fait envie
Et les corps se cognent pour entrer dans les bars
Où règne en maîtresse la fumée des loubars
Levant leur chope de bière pleine de mousse
Avec un avant-bras parfois un rien maousse
Et qui parlent de tout pour ne parler de rien
Même du gars du coin qui serait un vaurien
En tout cas pas meilleur que l’affreux politique
Attisé par les feux nourris de la critique ;
Le soir continue de diffuser sa lueur
Sur les cous mous et les fronts mouillés de sueur
Par l’entremise usée d’un pâle réverbère
Au pied glacé tenu par la main d’un Berbère
Sorti du café pour vomir et soulager
Un besoin naturel et propre à outrager
Le passant qui se rend près de là au théâtre
Rouvert après avoir essuyé tout son plâtre.
La porte du bistrot ne filtre plus les voix
Qui s’amplifient dans la nuit qui déjà se voit.

Il est une heure du matin sonne une cloche ;
Un Chrétien se signe et dit que sa vie est moche :
Mon dieu comment puis-je être tombé aussi bas
Au milieu des loulous des bobos des babas ?
Dis toi qui es le fils de la vierge Marie
Avec qui veux-tu que ma gueule se marie ?
Regarde-moi mes yeux sont rougis par les fers
Soumis aux feux brûlants éternels des enfers ;
J’ai en corps du fiel et de la mauvaise graisse ;
Que le tien devant moi soudain réapparaisse
Après qu’il subit les affres du Golgotha
Ressuscité de la Mort que Ponce vota.
Le battant d’un seul coup a fait vibrer la cloche
Inaudible au souci tapi dans chaque poche
De ces âmes perdues qui marchent vers le jour
En laissant derrière eux des relents d’alcool pour
Essayer de guérir leur misère ordinaire
Si légère à porter par la tête lunaire
Qui leur dit viens chez moi il fait chaud il fait bon
Et l’on partagera cornichon et jambon
Puis on brandira le drapeau de l’anarchie
Avant d’égorger la bourgeoisie enrichie ;
Et le chrétien troublé ressent son grand tourment
Une proie lui aussi du lent retournement
Des pauvres gens qui seuls connaissent la richesse
Mais tentés par être titrés duc ou duchesse
Alors que leur trésor fut donné une fois
Dans le baptême où l’eau est le sel de la foi
Mais qui s’évapora dans les haleines fortes
Echangées derrière vitres opaques portes.

Il est deux heures la cloche a sonné deux coups ;
Pour ceux qui demeurent chez eux deux sont beaucoup
Notamment les parents craignant la chaude ville
Qui entassent souci sur souci presque mille
Pensant à leur petit d’homme ô gentil garçon
Qu’ils ont vu nu avant son premier caleçon.
Mon Dieu dites-moi s’il est pris par la police
Faut-il que ma raison s’effondre ou s’amollisse ?
A son âge j’étais à la maison et mon
Père un tourneur sur bois prénommé Pierre-Edmond
S’apprêtait avec ma mère Marie-Louise
A prier avec tous les enfants autour d’eux
Et en se tenant la main chacun deux par deux
On récitait que le règne de Dieu arrive
Et qu’il nous garde sur la bonne et droite rive.
Les enfants d’aujourd’hui nous causent du tracas
En entrant dans la vie avec cris et fracas,
Le cerveau retourné par les vendeurs de haine,
Dressant au pilori les cœurs purs, l’âme saine
Pour bâtir un empire aux murs clos à l’esprit
Et qui veulent donner à chaque chose un prix.

Pour la troisième fois, s’entend sonner la cloche
Comme s’il y avait quelque chose qui cloche
Comme si l’Eternel demandait à l’éveil
De rester vigilant avant le vrai réveil
Et depuis deux mille ans, si le Mal reste alerte
Obstinément, la voix de Dieu reste en alerte.
Trois fois le coq chanta renié fut Jésus
Sans que son sang partant ne changeât de rhésus.
Et recommencement : pauvre monde fragile
Qui ne peut se sauver sans manger l’évangile ;
Mange-le avec le christ donné sur la croix
Pour que tu vives toi est-ce que tu le crois ?