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Jean-Michel BOLLET

Le chêne et la vierge nus

Menue et devenue toute délingée, nue,
L’affluence l’a vue la vierge de pudeur
Qui s’est voulue nue et qui rit d’elle, ingénue
Au cœur vert baignant dans une mer de candeur.

Elle a cru qu’il est plus sûr d’ôter ses habits
Pour aller et venir sans tulle et sans dentelle
Du cou au-dessous du genou mais s’ébaubit
L’oeil séduit, qui suit le puits où l’eau est en elle

Et poursuit son chemin plein de son cristallin
Rentrant les fruits jolis cueillis par la pupille
Ecarquillée, fixée sur le sein opalin
Dont le tétin rosé excite la papille.

Elle voit sans le voir le regard importun
Qui tâtonne, fouille, s’enhardit et se fige
Sur le rond du nombril souverain qui porte un
Saphir lisse jaune au brillant nom de prestige

Donnant à son teint blanc l’éclat du diamant
Surtout ce jour où se tournant vers la fenêtre
Inondée de soleil, son seul maudit amant
La baise tant que son rayon expert fait naître

Au creux de son ventre une excessive chaleur
Qu’elle sent et son sang fonce dans son artère
Si éperdument qu’il fait rougir la pâleur
De son front et l’émoi l’envoie raide par terre.

Le plafond tout le temps contemplant le plancher
S’attarde sur le bel amour nu qui s’allonge
Etonné qu’il n’ait pu s’empêcher de flancher
Au lieu de demander que sa vie se prolonge

Car plaqué et laqué, ce grand chêne, écorcé,
Fut paré de glands blonds, d’oiseaux bleus, de feuillage
Et le destin de ce prince craint s’est corsé
Quand il fut dépecé avec son habillage.

En bas, ce corps mort peut se dresser, à propos ;
Lui, qui vivant, fut haut, mort, ne peut redescendre
Mais ces deux nudités auront leurs propres peaux
Réduites – malgré eux – en poussière de cendre.

Les yeux posés sur eux les séparent en deux
Et choisissent celui si joli qui s’agite
Car même si le bois verni n’est pas hideux
Ils aimaient ses nids d’œufs où la pie a son gîte.

Ce petit arbre à terre a remué un bras,
Se remet sur pied et redresse son tronc lisse ;
Le chêne du plafond le voit comme un cobra
Capable de monter pour s’en faire un complice :

Mais le vénérable a la lame en un étau
Et ne peut avec lui danser dans l’innocence ;
Ces beaux végétaux sont – certes – congénitaux
Mais lui est au dernier rang de l’arborescence.

La vierge, alors, sort de la pièce et le soleil
Réchauffe un morceau du mort dans un nœud coriace
Qui ne tombera pas au sol, qu’elle pareil,
Car son cœur même nu est mieux qu’une cuirasse.

Il est donc condamné à rester haut perché
Sans pouvoir remuer le moindre œil qui inspecte
La chambre où l’amour fou n’avait pas recherché
A quiconque troubler dans sa tenue suspecte.