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Jean-Michel BOLLET

Le bonheur est chez eux

Le bonheur est chez eux qui ont le rire aux dents,
Les cieux bleus dans les yeux quand ils se dévisagent ;
Ils échangent des mots (un ou deux) qu’ils partagent
Et pourtant, leur amour s’en va en s’érodant.

Les amis, les voisins, la lignée des parents
Envient ce couple ancien à la joue rose et douce
Qui va main dans la main sans sentir de secousse
Et pourtant leur bonheur – ô pleurs – n’est qu’apparent.

Ils se joignent sur un petit baiser furtif,
Se complimentent sur leur bonté réciproque,
Affirment que ce n’est pas la vie qui les croque
Et pourtant leur cœur lance un cri sourd et plaintif.

Ils ont dans leurs pensées, un rat dans l’estomac
Lors du premier rendons-nous ce soir à une heure
Où les parents dorment ; « Julie, tu es mineure,
N’as-tu pas peur ? – Mais, non grand bêta de Thomas.

Ils se prennent le cou et déjà leur sang bout,
S’effleurent les lèvres et leur monte la fièvre
Plus forte encore qu’une eau-de-vie de genièvre
Et s’assoient en riant : « je ne tiens plus debout ! »

Quelques mois plus tard, ils se seront découverts
Et n’arrêteront plus leur sublime machine
Jusqu’à ce qu’un matin : « dis, machin, dis, machine
Je n’ai plus envie de remettre les couverts. »

Ils ne sentent plus leurs lourdes odeurs de chair
Sous la peau tant tâtée, que fatiguée, usée
Après avoir cédé, s’être fait amusée,
Elle ira dans les bras berçant du rocking-chair.

Ils sont toujours ensemble et vont toujours par deux
Mais leurs épanchements amoureux sont si rares
Qu’ils – sans évoquer les poisons doux, les curares -
Redoutent les nuits aux rêves cauchemardeux.

Et les voici maman-mamie, papa-papy
Recevant leurs petits-fils, leurs petites-filles
S’obligeant à jouer aux billes ou aux quilles
Et à chanter l’enfant do et pomme d’api

Avant de conduire ces garnements dehors
Pour chercher dans l’écran l’image de magie
Evoquant l’avant-temps vierge de nostalgie
A se remémorer mais… « papy, tu t’endors ? »

Les voici couchés, les verres ont leurs dentiers,
Le lit leur bon côté et leurs dos leur chemise
Gardée soigneusement ; l’ôter n’est pas de mise
Après la perte de pans de corps en entier.

Le lendemain matin, ils vont recommencer
A partager la soie de leur doigts, leur joie fausse,
Les roses de leurs joues qu’ils perdront dans la fosse
Mais ils n’ont déjà plus rien à ensemencer.

Ils trompent le monde et tout le monde le sait
Dans le théâtre où une infinie comédie
Joue la vie unissant comique et tragédie
Où les morts rient en ne se voulant que blessés.