Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Jean-Michel BOLLET

La tueuse

La tueuse est multiple et se cache sous masque,
Sous habits différents ; versatile et fantasque,
Est un sujet à part.
On croit la deviner chez ce ventripotent
Au souffle entrecoupé d’une toux d’impotent,
Signalant son départ.

Tous ne sont pas allés au fond du cimetière
Se reposer au frais vers une pierre entière
Sous un sapin tout droit ;
Ses sujets ne sont pas blancs de joues, bleus de mains,
Pas de rides au cou, pas de cailloux aux reins :
Ils ont juste un peu froid.

Les touchés puis tombés marquent leurs différences :
Certains sont dégoûtants empestant les chairs rances
A force de pourrir.
Misérables sont-ils et ne font pas pitié
On les déteste tant, repoussent l’amitié
A force de mourir.

D’autres, verbe fleuri, vont, viennent, tête haute
Mains soignées, habits neufs et leur ventre tressaute
Sur une chair en sang
Ils sont décomposés dans leur cher intérieur
Sans que se note sous cet aspect extérieur
Un fort besoin d’encens.

Je sais que mon mort est ici sous cette dalle ;
Son nom effacé dit que se nie le scandale
Perpétré par les vers
Qui se sont attaqués au bois de son cercueil
Et l’ont tout digéré jusqu’à son dernier œil,
Ouvert et de travers.

Est-ce que sous l’amas de terre sa peau pèle ?
Son coffre en chêne a-t-il résisté à la pelle ?
Ah ! Que rude est ta peur
Car ce dont tu parles, oui, c’est bien d’héritier…
Le père Charles avait-il autant d’amitié
Qu’un vieux cheval-vapeur ?

Le seul qui prie vraiment à genoux est un ange
Menton sur cou, bouche qui la poitrine mange
Pendant que perle un pleur ;
Le défunt a sombré dans un profond oubli,
Quand il a dévalé au fond de l’éboulis,
Déserté par la fleur.

Si une larme avait humecté sa demeure,
Qui serait venue du cœur juste avant qu’il meure,
Il serait consolé
D’avoir maudit l’aurore et le sot choix du sort,
Lui qu’on embrassa peu car on le croyait fort
Et non rafistolé.

Mais, qui aura songé de la terre à extraire
Son âme étirée par vérité et contraire
Au mouvant sentiment ?
Le squelette a la vie aussi dure qu’un bloc
De marbre de Carrare ; il se bat comme un roc
Pour fuir le châtiment.

L’âme est ensevelie comme une pauvre chose ;
Le cadavre s’effraie d’être hideux et se pose
Là où sont les horreurs
Appréhendant déjà des lambeaux de ce corps
Qui par espoir s’accroche au rideau du décor
Fourmillant de terreurs.

La souffrance est portée sur le dos de la vie
Quand s’épanche encore du mort la synovie
Qui lui reste au genou
Et le caillot de sang bouchant un trou de nez
Qu’il ne sent plus comme si l’avaient malmenés
Trop vous, tu, il, je, nous.

Les pas de la vie sont suivis par la tueuse
Qui se colle à – mieux qu’une femme affectueuse -
L’aplomb de nos talons ;
Pâle, elle vient bien tôt avec son louveteau
Saisir le matelot au col du paletot
Qui perd ses pantalons.

Outillée de vraies faux, de couteaux, de mille armes
Elle boira sang, eau, bile, urine et les larmes
Seront bues plus qu’un cru.
Tous seront à genoux, le cou pris sous son joug,
Sauf Jésus descendu en tirant sur ses clous
Par un pouvoir accru.

Puisse une mère être joyeuse, en paix… sereine
Dont le tracas épais pareil mine une reine
Car le sort n’a pas tort
De laisser partir – gai – son enfant le matin
Pour rentrer tard le soir, d’un bar grec ou latin
En condamné à mort.