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Jean-Michel BOLLET

La rue râle

Sinuant entre les maisons qui se font face,
Le serpent de goudron sombre suit son chemin
Et quand l’alignement des hauts remparts s’efface
En laissant la place à l’œillet et au jasmin

Croissant là devant le fer forgé d’une grille
Qui barre l’accès à l’allée d’une villa
Si blanche que le gris aigri reptile brille
De son dos fourbu qui envie cette vie-là

Dont le cheminement lent dû à l’étroitesse
Du passage que lui réserve la cité
Qui a construit ses murs pour pousser la vitesse
Hors de chez elle du cinglé, de l’excité,

Devient aérien, il s’en donne à cœur joie,
Respire la brise tiède et le vent très frais,
Salue sans s’arrêter, fermière, cane et oie
Mais continue, hélas, à s’arranger du fret.

Reptile de ville changé en crocodile
Toujours sous le joug fou des prédateurs rugueux
Le prenant peut-être pour un asticot d’île
Venu sur le sol dur se mêler aux fougueux

Assassins heurtant le calme de la campagne
Dans un bruit d’enfer qui fait se courber les blés
Aux épis blonds comme les bulles de Champagne
Pétillant devant les convives attablés.

D’avancer l’animal – normal - en ligne essaie
Mais son déhanchement l’entraîne à slalomer
Entre le champ herbeux, le verger, la saussaie
Au dam de ses dompteurs qu’il vient à dégommer.

Il redevient orvet en entrant au village
Et retrouve les murs des maisons (sa prison) ;
Le calme équivoque de la nuit le soulage
Même si file au lit, aussi, son horizon.

Dès l’aurore, le zoo, dans la plaine rurale
Reprend ses errements : les serpents, les dresseurs ;
L’intelligent comprend alors que la rue râle,
Ereintée par le port sur son dos d’agresseurs.