Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Jean-Michel BOLLET

La putain de ma race

Je suis issu d’une race au fort caractère,
Elevé sous le sein de mon auguste mère
Après être né dans un recoin de la terre
Sous la tranquille assurance de mon feu père.

Pontarlier m’a donné le jour dans le Haut Doubs
Abritant la neige froide avant le redoux
Obligeant les gens à partir à Katmandou
Où l’homme n’est pas laid et court le guilledou.

Comtois, rends-toi, nenni, ma foi, tête de bois :
Je suis un roi fidèle aux coutumes, aux lois…
Je marche haut et droit, rarement de guingois
Sauf lorsque je bois le vin de paille d’Arbois.

Je suis un putain de chrétien enraciné
Et ma Foi, je le crois, ne fait pas de ciné.
J’ai résisté à ceux qui m’auront bassiné
Que le monde moderne en était vacciné.

Mon cœur, un idiot qui fond pour tout pourvu
Qu’un oisillon tombe de son nid, dépourvu
De force pour lutter contre cet imprévu
De s’offrir malgré lui au renard qui l’a vu.

Je suis un putain de type civilisé,
Qui n’a pu être, par personne, utilisé
Avec la volonté d’être mobilisé
Pour remettre l’espoir si volatilisé.

Parfois, inquiet, ne tenant pas à ma place
Je m’en vais me revoir tout droit devant ma glace ;
J’ai le teint clair, ça va, je reconnais ma race
Et ne changerai pas de profil et de face.

Mais, j’accorde aisément que je suis un peu pâle
Et, sans le vivre mal, je ne fais pas très mâle.
J’aimerais tant – mais tant - m’étendre au Sénégal
Avec Bohringer à son rire obscène égal.

Je voudrais bien savoir le nom de mon aïeul
Car je fréquente autant le Suisse que le Peul
En redoutant surtout de me retrouver seul
Sans pouvoir partager rose, lys et glaïeul.

Je pourrais tant écrire, en dire, en raconter
Sur nombre de frères que je ne peux compter
A Madrid, à Alger, dans les lieux indomptés
De Lomé avec ses camps crasseux éhontés

A genoux, étendu, en croix ou prosterné,
Clair ou bronzé, l’œil rond, en amande ou cerné,
Le cheveu blond, marron, roux, noir, lisse ou frisé,
J’ai vu l’homme joyeux quand il n’est pas brisé.

Ma Putain de race est tenace, oh ! la vorace !
Elle me tient serré et me suit à la trace.
Je me retirerai quand j’aurai eu la grâce
Que soit désireux le lépreux que je l’embrasse.