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Jean-Michel BOLLET

La mule et le parquet

C’est vrai que mes souliers marquaient
Les lamelles de mon parquet
Qui recouvrait toute la salle
Naguère assez glacée et sale
Utilisée par un boucher
Au langage mal embouché
Hélant ainsi une cliente :
« Ma viande n’est pas de la fiente ! »
Mais, moi, je suis marcheur le jour
Et, amateur, le soir d’amour
D’une fidèle clientèle
Portant bas de soie et dentelle
Exigeant un endroit propret
Sentant le frais et sans apprêt
Qui avait bien vu la rayure
Causée par un fer de chaussure
Que j’avais – oh ! - débilement
Gardée aux pieds futilement.
« Pourquoi ferrez-vous vos souliers ?
Seriez-vous un fou à lier ?
La pratique est passée de mode
Bien que ce fût assez commode
Pour éviter de les user
Si l’on voulait en abuser. »
Depuis lors, je porte des mules
Qui partout ont fait des émules
En louant le parfait confort
Du mouvement fait sans effort
Grâce à leur matière légère
Adoptée par la ménagère,
Le notaire et le président,
Un vacataire, un résident.
Mais, en tant que propriétaire
Contrairement au prolétaire
Il me semblait qu’un bon mondain
Se dût d’être un beau muscadin
Vêtu de la tête à la plante
Pour s’exhiber à marche lente.
Enfin, les mœurs ont bien changé
Et ne se sent plus le danger
D’enlever la lourdeur qui gêne
Pour devenir un indigène
Allégé de tout vêtement
Qui se montrait complètement
Nu tel un ver qui court en terre
Se cacher comme en monastère.
Le temps n’est plus aux godillots
Aux grolles et aux croquenots
Que craignaient le chêne et le hêtre
Et l’enchaîné à son bien-être…
J’ai accepté le changement
Pour le plus grand soulagement
D’un groupement de féminines
Irritées par des faits minimes,
(Ravies, depuis) que je parquais
Dans mon salon où le parquet
Glissait, ciré par la semelle
De ma mule et de sa jumelle.