La messe buissonnière
Dimanche matin, maman s’inquiète :
« En tant que chrétien, tu feras la quête ;
Tu vas communier : tu n’as rien mangé ?
C’est dans le péché qu’on court un danger »
Mais, chemin faisant, un penchant m’entraîne
Au café « chez Jean », où règne une reine
Servant dans un rire et sans coup férir
Les clients charmants, pour les conquérir.
Je joue aux flippers, un œil sur la boule
Qui, l’autre étant au coin fait qu’elle coule ;
Je suis attaqué depuis mes dix ans
Par un sentiment grave et médisant.
C’est l’amour charnel, la flamme éternelle,
L’appel solennel ; L’âme qui chancelle.
C’est le feu de Dieu, le sang bouillonnant,
Malgré vœux pieux et front rayonnant ;
Je sens tout à coup, venu dans mon cou,
Un baiser filou, un bisou de loup…
Mon dos jusqu’aux reins, supporte la touche
Légère de mains et cela me touche…
C’est vous, Isabelle ? (Ô dieu, qu’elle est belle)
Servez-moi un lait, mais pas de chamelle !
Son rire enfantin fait bouger ses seins
Que je prendrais bien (suivant mon dessein)
Flûte ! Il est l’heure d’aller vers l’église
Pour interroger la petite Lise :
« De sa chaire quel prêtre a don' prêché ?
A-t-il évoqué de chair le péché ? »
Me voici rentré ; ma mère demande
Si versa chacun sa modeste offrande ;
Pris au dépourvu, je dis que Vernoche
A laissé la main au fond de sa poche.
Mais, ce type est mort, avant-hier matin
Sur le sol, (quel sort !) ciré, sans patin.
Fini, le café, à Dieu, ma princesse ;
Obligé, j’irai, fidèle, à la messe.
