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Jean-Michel BOLLET

La lampe et son ombre

J’allume la lumière alors ma lampe éclaire
Le drap en Tergal blanc orné d’un pervers sein
De mon lit où je lis des vers de Baudelaire,
Assis, le dos calé par un bon traversin.

Je règle le bonnet dont est coiffée ma lampe
Un peu sur le côté pour donner à manger
Aux cent vers dont le ventre dans les feuilles rampe
Afin de parvenir à mieux les vendanger.

Soudain, fugue une ombre sur le mur puis se pose
Au plafond et s’étend abominablement ;
Je regarde alentour en marquant une pause
En laissant mon poète avec accablement.

Ma page est invisible et je vois rassuré
L’armoire et son miroir fidèles à leur place
Mais, en haut, ce pâté sombre et démesuré
Me glace tous les sangs de sa lourde menace.

Je distingue à moitié mes quatre pieds de chaise,
La machine à coudre « Singer », le guéridon ;
Tous ces objets voilés me mettent mal à l’aise
Et j’enfouis ma tête sous mon édredon.

Et Charles est-il resté sagement dans ma page ?
Comment le retenir autrement qu’en lisant ?
Mais, ma lampe entrerait dans une belle rage
Si je déplaçais de nouveau son bonnet blanc.

L’ombre, alors, bondirait droit dans la diagonale
En occultant le bras gauche de mon fauteuil ;
La cheminée marbrée, d’ordinaire banale,
Ferait, abruptement, jaillir le mauvais œil.

Pourquoi, me dis-je, alors, lutter avec le noir ?
Je referme l’ouvrage et je m’ouvre à la nuit :
Plus d’ombre en folie et plus de miroir où voir
Le sauvage au plafond : à demain, sans ennui,

A demain, coquin ; mes deux mains roi des poètes
T’enveloppent la tête : oh oui, je te bénis ;
Vous, audace et talent qu’il met dans ma peau êtes
Le jour et sa clarté : ô mercis infinis…