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Jean-Michel BOLLET

La lame effilée

La lame effilée a tranché la gorge
Pendant que le George égrène son orge
En écoutant la voix du journaleux
Relater combien ce fait scandaleux
Ne peut être que l’acte d’un galeux
Ou d’un nostalgique amateur de forge.

Son voisin Justin et sa femme Jeanne
Tuent mouton, brebis, chèvre, poule et âne
Et en saison, ce gros porc de cochon
Nourrira leur fils au front pâlichon
Surmontant un torse un peu maigrichon
Pareil que celui d’un toxicomane.

Justin et Jeanne tiennent une ferme
Et si tu parles, ils disent « la ferme ! »
Nous, si on met à mort c’est pour manger
Et personne ne pourra nous changer
Puisque personne ne court de danger ;
On tranche à coup sûr, épiderme et derme
Et la lame est saine et vierge de germe.

George connaît bien ce couple exemplaire
Qui ne veut ni plaire – oh non ! – ni déplaire ;
Vite, un coup sec et on coupe le cou
Et le sang gicle – un petit peu – beaucoup !
(Mais ça ne sent pas un pet de coucou
D’ailleurs leur chien ne sait pas ce qu’il flaire.)

D’accord, ce gros porc de cochon, lui, crie ;
Justin veut qu’il souffre et non pas qu’il rie ;
Le tué a le tout d’un nouveau né
Effrayé d’être déjà condamné
Au mal qui pend à ses deux trous de nez
Comme Jeanne qui a mal et qui prie :

« Oh ! l’accouchement dans cette souffrance
M’a donné le goût de la délivrance ;
La vie et la mort sont sœurs de douleur ;
Naître et mourir ont la même couleur
Des yeux embués voilés par le pleur
Et hurler est un signe d’espérance !

La lame a ouvert la gorge du prêtre ;
Le cri a jailli : je finis par être
Devant toi mon Dieu qui as tant souffert
Mais qui as brisé les fers de l’enfer
Et ton cri – comme le mien - fut offert
Aux cœurs perdus dans lesquels il pénètre. »