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Jean-Michel BOLLET

La grâce de me taire

Je n’ai pas toujours eu la grâce de me taire
Puisqu’endémiquement, ma race est libertaire
Mais aujourd’hui, je dis
Que mardi et jeudi
Et peut-être (si je fais un effort) dimanche
J’abaisserai ma voix et mes revers de manche
En demeurant assis
Jusqu’à être rassis
Et mon mol os ira se sécher dans la fosse
Où d’autres frères os ont eu cette idée fausse
D’avoir appartenu
A qui a détenu
Un souffle de vent frais qui rase la montagne,
Courbe les blés des prés et va voir la Bretagne
Où chantent les trois Jean
Devant dix mille gens
Avant de repartir en méditerranée
Peuplée d’estivants à l’histoire surannée
Fuyant Paris, Angers
Où sont tous les dangers
Alors qu’elle est là, bleue, la vague qui emporte
La crasse accumulée, noire ou bistre, qu’importe,
Dans les conventions
Pauvres d’inventions,
De renouveau, d’un air iodé qu’on respire
Où commence à l’aplomb des calanques l’empire
Des longs rugissements
Et des vagissements
Terriblement cruels qu’entendent à fleur d’onde
La population venue d’un autre monde
Avec ses fins de mois
Ses grandes faims d’émoi
Alors que mon malheur fut d’avoir la vie belle
Et plus belle encore dans mon beau corps rebelle
Et dans mon faux cerveau
Qui fustigeaient le veau
Ainsi que le poussin qui suit la mère poule
Et les bons voisins qui se moulent dans la foule
Mais, moi, fort, je criais
Et mon père riait :
« Tu vas bien te calmer, tu prendras dans ta gueule
Des coups qui laisseront aller ta tête seule
A chercher le fauteuil
Qui t’attend sur le seuil
De ta cabane où passe en se moquant ce gosse :
« Alors, le vieux, tes os vont bientôt dans la fosse ? »
Tu resteras assis
Rouillé dans ton châssis
Car tu ne pourras plus te retrousser la manche
Et lui botter le cul à cause de ta hanche
En hurlant « chenapan,
Prends ça dans ton tympan. »