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Jean-Michel BOLLET

La bête

Il venait d’avaler par mégarde un soupçon
D’intelligence au fond de son maigre oesophage
Et l’âme du sauvage (une contre-façon)
Eut la lucidité d’entrevoir son naufrage.

Se tenant à la barre et d’une voix brisée,
Les yeux exorbités, il écarte un pardon
Qu’attend la pâle enfant qu’il a martyrisée
En lui perçant le cœur d’une fleur de chardon.

Pour un mot anodin oublié dans un texte,
Il la traite d’ânesse et la règle en acier
S’abat sur l’écolière et il prend pour prétexte
Que la bonne branche n’est jamais à scier.

Le cahier déchiré est jeté au plafond
L’encrier renversé sur la tête de l’ange
Défait, stupéfié de l’attitude étrange
Du monstre en liberté qui a touché le fond.

Et le procès se tint de ce pou qui fut lente
Prônant la liberté et la fraternité ;
Du sang rouquin sortit d’une plaie purulente
Pendant qu’il proférait des mots d’obscénité.

Il se vida debout en se tordant les mains
Puis se mit à genoux en hurlant sa souffrance ;
Il ne resta de lui bientôt plus rien d’humain
Et fut terrassé sur le sol sacré de France.

L’instituteur athée fut sauvé dans le ciel
Par un cœur de bonté débordant d’indulgence
Enlevant à la mort l’esprit sacrificiel
Réclamé par ses basses œuvres de vengeance.