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Jean-Michel BOLLET

L'oasis

Prisonnier pendant trop de temps il s’évada
Et se crut au pied de la sierra Nevada
Mais s’étonna de la montagne de marne ocre
Ruisselant de cailloux blancs sur son sol médiocre.

Le rocher attaqué par l’épineuse ronce
Ressemble à un crâne chauve de pierre-ponce.
Pourtant, ces éléments qui se meuvent sans eau
Ne sont pas captés par les barreaux d’un zoo.

Un soleil malappris darde ses longs rayons
Pour tuer l’ombre où sont allongés deux lions
Accablés, haletants, le regard qui s’oblige
A rester vigilant quand la chaleur afflige.

Le lézard, avec art, tient une patte en l’air
Afin d’éviter la brûlure de sa chair
Et cherche une goutte de vent, juste une larme
En tendant son cou vert pour lui faire du charme.

Un reste de gazelle attire le vautour ;
De lui, la hyène et le chacal sont autour.
(Ici, depuis longtemps, les tendres pâquerettes
Ont migré dans les champs où paissent les chevrettes)

Quelques touffes roussies engoncées dans le sable
Se piquent de dire au cactus insaisissable
De partager son eau avec le grand chameau
Qui ne saura jamais les joies de l’esquimau.

Ce squelette fut un bel arbre d’os en bois
Qui, malgré le genou du vent, veut rester droit.
L’oiseau siffleur couleur de fleur, l’abeille orange
N’habitent pas ce monde en prise avec l’étrange.

Pendant quarante années, Moïse, décoiffé,
A prié à genoux pour son peuple assoiffé ;
Si pouvait exister une Moïse-femme
Pour humidifier les replis de nôtre âme !

Elle pourrait donner à boire à volonté
Aux désireux d’un peu de larmes de bonté
Enfermés librement dans leur désert immense,
Ce zoo sans barreaux mais aussi sans semence,

Saupoudré d’oasis remplies avec de l’eau
Qui se distribue dans des flacons au goulot
Etroit comme un roseau dressé droit dans la mare
Où s’abreuvent ceux qui ne tiennent plus l’amarre.

Le captif, lui, s’enfuit en laissant la bravade
Se battre avec la nuit pour s’aller éponger
Sa soif de liberté, de bonté ; il s’évade
Après que les années lui dirent d’y songer.