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Jean-Michel BOLLET

L'enfant aux champs

J’entends l’enfant aux champs à la voix cristalline
Chanter allégrement de son âme câline
Les mamelles gonflées des femmes de bovins,
Pleines d’un lait dont rit l’abonné aux beaux vins.

Dès la blanche aurore, il a guidé le troupeau
En placide cortège à l’assaut du plateau
En s’aidant du bâton qui porta la noisette
Sur lequel est sculpté « ma vie, c’est toi, Lisette »

Assis dans l’herbe entre pissenlits et chardons
A deux pas d’un cours d’eau où glissent des gardons,
Il rit des pavés ronds frais ou séchés des bouses
Qui ne fleurissent pas sur les belles pelouses…

Il admire – attendri - la gentiane verte
Ou jaune dont l’ancien fit cette découverte
Que sa racine donne un alcool singulier
Traqué par le douanier : « commerce irrégulier. »

Il est attentif à la bête aventurière
En agitant sa canne assénée au derrière
De la Pâquerette prise à vouloir fuguer
En tentant de franchir le ruisselet à gué.

Depuis longtemps, la cloche a tinté les mâtines ;
La cancoillotte en pot chatouille ses narines
Car, au départ, au ventre, il n’a qu’un bol de lait
Après le bonheur qu’il eut d’ouvrir le volet.

Il étale avec soin le fromage de crème
Sur la tranche de pain de campagne suprême
Et s’exhale un parfum de blé grillé, de pis
Rose qu’il a tiré sous la vache, accroupi.

L’âme sert en dessert une brise légère
D’épices de sapin et de fraîche fougère ;
L’enfant ferme les yeux et entre dans les cieux
Rêver béatement sous un ciel radieux
…………………….……………………………

…Une tartine même sans beurre
Des fois sans confiture
Les myrtilles dans les tourbières
Le père qui rentre, tout crotté
La maman qui épluche les pommes de terre
Radio Luxembourg, Zappy max
Les Suisses, Dédé dit qu’il n’y a pas plus propre
L’absinthe « la bleue » elle rend dingue, dit le Paul
J’aime bien Mauricette, la fille de l’instit
Soi-disant que la mère Boichu est folle
Il était une chèvre de fort tempérament
Qui revenait d’Espagne et parlait Allemand
Et ballottant d’la queue et grignotant des dents,
Celle-là, c’est l’abbé Braichet qui nous l’a apprise
A la colo…
…Dimanche, le film avec Jerry Lewis, toute la salle riait…

Un rayon chaleureux taquine son sommeil
Qui l’incite à ouvrir les yeux de son réveil ;
D’un regard circulaire, il recense son monde :
La noire et blanche, son veau, la rousse et la blonde.

Le diamant de sa gorge vibre et s’en va
Dire à la nature qu’elle est une diva
Avec ses glouglous d’eaux et l’oiseau qui gazouille
Tout joyeux d’entendre coasser la grenouille.

J’entends chanter l’enfant à la voix cristalline
Et tinter le grelot caché dans la clarine
Des vaches du Haut-Doubs aux abords de Morteau
Où le fiel aigrelet de la nuit est mort tôt.

L’enfant sera longtemps éloigné des tourments,
A l’écart d’appétits excessifs et gourmands ;
Dans son cœur règneront simplicité et joie
Où quand l’automne se noie le printemps flamboie.