Vos
poèmes

J’aime l’étendue végétale
Dans sa tendre féminité
Autant que le bœuf qui s’étale
Dans son pré en sérénité.

Je crains le bruit et la fureur,
La brusquerie même amortie ;
J’effleure le saule pleureur
Et je fais des bouquets d’ortie,

De violette et de fougère
De rose rouge et d’églantier
Qui, dans une brise légère
Parfument le bois en entier.

J’aime jouer avec les chèvres
Et quand l’une vient me chiper
Un trèfle pris entre mes lèvres
Je reste bée sans mot piper

Et si je suis un peu rusé
Je porte à son cou la caresse
Car je veux sans en abuser
Lui témoigner de la tendresse.

Je souffre en voyant un anneau
Dans un mufle humide de vache
Et un numéro sur l’agneau
Rouge comme un visage apache.

Mes bons amis, les animaux,
Habitent la grande nature
Et à l’exemple du chameau
Du désert nu la créature

Vivent de peu, modestement
Dans la chaleur et la froidure,
Sans chapeau et sans vêtement
En étant menés à la dure.

Je crois (les brebis en sont sûres)
Qu’ils ont mis aux pieds des sabots
Pour se passer de nos chaussures
Qui donnent rougeurs et bobos.

(J’entends souvent quelques murmures
De ceux qui n’échangeraient pas
L’amplitude de leurs ramures
Contre la longueur de mes pas.)

Plantes et bêtes innocents
Ont la vie simple et réservée
Nourrie par la sève ou le sang
Et qui n’est jamais énervée.