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Jean-Michel BOLLET

Je peux

Je peux voler dix euros à mon père
Mentir (un peu) à ma très chère mère
Trahir (assez) la pensée de mon frère
Changer en vin le lait du mammifère
Tromper la faim avec ma cuisinière
Lier les pieds de ma belle ouvrière
Aveugler l’œil caché sous sa paupière
Dire à mon Brie qu’il n’est que du gruyère
Manger du veau devant ma poissonnière
Me coller à l’école buissonnière
Conduire un bus dans la rue piétonnière
Montrer la nuit au pied d’un réverbère
Boire la sale eau de ma serpillière
Passer du thé noir dans ma cafetière
Infuser du café dans ma théière
Sortir avec ma langue de vipère
Planter du blé dans une yaourtière
Freiner mon pas quand le monde accélère
Dormir avec une femme adultère
Punir le soir qui m’éteint la lumière
Gonfler ma veine autant que mon artère
Perfuser de l’esprit à la matière
Etre premier et baiser la dernière
Etre dernier à une avant-première
Mettre en avant le boiteux de l’arrière
Ne respirer que l’air de l’atmosphère
Damner la rose et encenser le lierre
Margariner le cul de la beurrière
Jouer au loup avec une bergère
Tourner mes sangs dans une bétonnière
Partir avec un bœuf en bétaillère
Pousser des gens du haut d’un belvédère
Inonder la Bavière avec ma bière
Offrir une bague à ma bijoutière
Entremêler bouchère et boulangère
Humer le lys blanc de ma boutonnière
Mourir dans les bras d’une brancardière
Parfumer mon nid de buis, de bruyère
Priver ma fée d’un pouvoir de sorcière
Bâtir un mur pour cacher la poussière
Altérer les traits de mon caractère
Arrêter de vouloir faire carrière
Ne fréquenter que qui me considère
Ne recycler que mon célérifère
Inviter le rire dans ma colère
Savoir si ma commère coopère
Voir si Dieu si bon aux yeux bleus m’espère
Danser avec une étoile éphémère
Tester l’état dans lequel l’état gère
Etendre à terre une belle étrangère
Traire un fermier au su de la fermière
Suer sous la fraîcheur de la fougère
Parler Arabe à un poste frontière
Recompter les Comté mis en fruitière
Ramer pour que l’on m’envoie en galère
Ramper ventre à terre sur la barrière
Rester figé seul dans ma garçonnière
Aider la main droite d’une gauchère
Entourer mon bras d’une genouillère
Transpirer la nuit dans ma grenouillère
Tuer le Mal pour le mal qu’il génère
Sortir janvier tapi dans sa glacière
Boucher avec de l’eau une gouttière
Etre fier de la vie de l’abbé Pierre
Et faire un pied de nez à l’amie Zère.