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Jean-Michel BOLLET

Je ne t'ai pas reconnu

Dans ce train pendulaire à ma gauche se tient
Un drôle de gugusse à l’air patibulaire,
Genre d’olibrius qui n’a rien pour me plaire
Autant dans sa prestance que dans son maintien,

La barbe mal taillée, les cheveux en bataille,
La poche sous l’œil droit qu’il me donne de voir
Présumant qu’il porte aussi le gauche en sautoir
Et ce col de chemise à la pointe canaille…

Je sens une odeur que je ne peux définir
Provenant sûrement de son sac dégueulasse
Placé dans le filet et je dis de ma place :
« Que ça schlingue, vains dieux, ça va très mal finir ! »

Son visage en entier alors vers moi se tourne
Avec des yeux vitreux baignés chacun d’un pleur :
Il ressemble à mon chien qui me mendie le cœur
Lassé de sa niche où, obligé, il séjourne.

Et moi je lui prends la patte sans qu’il me fasse
Le beau car même en se forçant il est si laid
Que je suis sûr qu’il n’a jamais lapé de lait
Aussi blanc qu’est noire la crasse de sa face.

Une eau gluante et trouble alourdit ses paupières
Gonflées d’un trop-plein de scories, d’excès, d’erreurs,
A l’image de Rex vivant dans la terreur
De recevoir coups et bombardements de pierres.

« Allez, laisse ton gant de crin dans ma main douce
Et reste toi-même, ne me demande rien ;
Tu vaux certainement mieux que mon brave chien
Qui même bébé-chiot ne suçait pas son pouce.

Je n’ai pu ou su te reconnaître mon frère
Caché derrière le masque de ta douleur ;
Ne fais pas la bête et regarde la couleur
De tes yeux si peu bleus mais dont ta mère est fière.