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Jean-Michel BOLLET

Je crois

Je crois au fils de l’homme et à l’homme qui sème,
Au monstre froid chauffé par son cœur quand il s’aime,
A la fleur en sommeil qui s’éveille en son corps
Et quand il ose aimer et chanter en accords.

Je crois à la vertu d’un couplet qui précède
Le refrain repris à l’unisson lorsque cède
La maman du premier rang quand le diamant
Au fond des gorges vibre et vole au firmament.

Je crois aux yeux surpris de vouloir à tout prix
Lancer un trait perçant blanc dans un regard gris
Qui se tend, mendiant, devant ce beau visage :
« Pourquoi suis-je laid moi qui fus un enfant sage ? »

Je crois aux vœux pieux, aux matins radieux,
A l’homme heureux qui peut brûler aux feux des Dieux,
Qui siffle en concerto avec l’oiseau complice
Pour qu’un printemps sans fin un beau jour s’accomplisse.

Je crois au sacerdoce, à l’aubier sous l’écorce,
A la force du faible à redresser le torse,
A la pomme de pin, au tétin brun du sein
- Monticule commun qui montre son dessein. -

Je crois au ciel d’été, à l’orage annoncé
Par le nuage lourd qui l’aura dénoncé,
Aux champs blonds de blé mûrs ondulant sous la brise
Accompagnée du vol d’une merlette grise.

Je crois au rêve-ami tapi sous l’oreiller
Où le cassis fleurit au pied d’un groseillier,
Où le si joli lys voisine une ancolie
Pour que la folie rie de la mélancolie.

Je crois au lendemain plus bleu qu’une pervenche,
Au dimanche prenant sur lundi sa revanche
A l’ivrogne ouvrant un beau château de Bordeaux
Qu’il honore en moquant les gens trop tôt morts d’eaux.

Je crois que l’herbe croît sous le soleil et l’eau
Autour des tombes du cimetière d’Eylau
Où s’entassent les os du grognard à moustache
Dont le sang fit sur ses vêtements – quelle tache - !

Je crois à l’amour fou consommé sans lumière,
Au pochetron recuit suppliant l’infirmière
De prendre son temps sans commencer par la fin
Malgré ses bas instincts hurlant soif après faim.

Je crois au salopard venu tard dans le soir
Appliquer l’épaisse caresse dans le noir
D’un dortoir étouffant sur un vit qu’il redresse
Où devraient s’écouler des torrents de tendresse.

Je crois à ce petit dont l’esprit a plongé
Quand son bourreau – de nuit - sur lui s’est allongé ;
L’ange m’a dit que Dieu entendit son murmure ;
« Oh ! Pourquoi m’avez-vous laissé nu sans armure… ? »

Je crois aux cous tordus, aux ongles encrassés,
Au loquedu sans but, aux socialos racés
Pleins de mets fins, de vin, de soupes dans la panse
Surplombant leur « zinzin » qui pense à sa dépense…

Je crois au ventre rond du bébé maigrichon
Affamé que défend le curé pâlichon
Racolant devant le perron de son église
Le passant bien-pensant qui se volatilise.

Je crois au manque de peau du troupeau des veaux,
Anneaux dans les naseaux, têtes baissées, dévots,
A genoux devant Lui, le maître de leurs vies
Qui décidera d’eux au gré de ses envies.

Je crois au cheveu bleu qui au rose s’oppose,
Aux vœux honteux des vieux après la ménopause,
A l’assiette dorée léchée par le pépé
Que regarde, irritée, médusée, la mémé.

Je crois au malade des gaz lâchés en chambres,
Aux pustules puants mordant les chairs des membres
A la chasse oubliée de ta chiotte, hé, gros porc,
A ta pisse, à ta chiasse, à ta crotte en déport.

Je crois au chien galeux qui abritait mon père
Dans un coin de sa niche où régnait la misère
Et qui changea de lieu à cause de l’odeur
Du père dont l’haleine attirait le rôdeur.

Je crois encore au corps échappé de la mort,
A l’homme au bord du port étonné de son sort,
Au refleurissement de la chair écrasée
Après que l’église eut sa coupole rasée

Je crois qu’il meurt aussi le tueur peint en noir,
L’assassin de nos nuits errant dans le couloir
Surpris par le drap blanc qui cache le fantôme
De l’aïeul endormi dans la grotte du gnome.

Je crois à Luc des douze, au sublime de l’art,
Au rock, au rap, au blues et à monsieur Mozart ;
Au lecteur subjugué, point en égards avare
A Ronsard en statue de marbre de Carrare.

Je crois au paradis de l’écrit et quand l’âme
Brûle la matière en enfer où vit La flamme ;
Au doigt mis droit sur ce quoi fait sortir le bruit
En souvenir-hommage à monsieur de Vigny.

Je crois aux révoltés prônant la liberté
Des armées de soldats qui auront déserté
Sans tremblement de taire un chant de militaire
Exalté par une fureur totalitaire.

Je crois parfois en moi, au Ciel qui est mon toit
Et j’ai la foi du Roi en la Loi et en Toi
Frère inconnu aussi que ma maman Marie
Qui ne se remit pas que papa la marie.

Je crois, pitié, mon dieu, aux enfants à venir
Devant qui se dresse le mur de l’avenir
Bâti sur le sable de la démagogie
A la place du roc de la pédagogie.

Je crois à Mohamed, à Vishnou, à Yahvé,
Au sang de l’agneau bu dans l’hostie, aux ave,
Aux illustres noms de Platon et de Socrate
Au fier aristocrate et au vieux démocrate.

Je crois à la splendeur de Mère Vérité
Drapée dans le voile dont elle a hérité,
Au lait chaud qui jaillit du pis de la mamelle
Abondant et gratuit couvé par la femelle.

Quand je m’assiérai, à la fin de mon voyage,
Entre deux accoudoirs, à l’ombre d’un feuillage,
Je serai convaincu en suçant un bonbon
Qu’on doit seulement croire à ce que l’on croit bon.