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Jean-Michel BOLLET

Ils ont clos la porte

Ils ont clos la porte, les yeux et les fenêtres,
La grille de l’entrée et la niche du chien.
Il est un peu le mien et le tien et le sien
Le destin des frangins qui sont mal dans leurs êtres.

La gifle a eu sa joue rouge de tête à claque
Et s’est tellement plu qu’elle a recommencé
Et lui n’a plus le qui, le quand, le comment c’est
La main dans des cheveux drus qui crantent sans laque

Les mots durs ont eu son cœur de samaritaine
Et sont restés ancrés à un fond oublié
Sans jamais se noyer et c’est humilié
Que le doux sentiment quitte la puritaine.

Les amours ont vieilli, ont trahi la tendresse
Qui ne s’invite plus à l’heure du souper
Et le dos incliné s’en va et vont couper
Trois doigts l’herbe courbée que le vent fouette et dresse.

La télévision bleuit la nappe blanche
Qui reste à déjeuner avec un bol de lait
Et le beurre mou sur la tartine se plait
A couler sur le cou quand tremblant il se penche

Yeux plissés, le frangin regarde la frangine
A la poitrine molle aux bouts sur les genoux
Il la repense à seize ans, seins pleins, sans gêne, où
Fuyait de sa gorge l’audacieuse angine.

La frangine murmure une inaudible scie
Apprise en colonie animée par l’abbé
Dont le chant sacré, la poésie de Labé
Viennent disait-il de Jésus qu’il remercie.

Le mot dur et la gifle ont gagné la bataille
Mais la guerre n’a pas achevé ses combats ;
Le genou a plié sans que le corps tomba
Accroché qu’il était à l’ampleur de sa taille.

Il n’y a presque plus de rires, de caresses,
Plus de cris, plus de pleurs qui se sont épuisés
A donner le meilleur de leurs malheurs puisés
A l’aune des péchés cultivant les paresses

Il n’y eut pas d’enfant, même pas une fille
Ou un petit garçon dessinant la maison
Qui laisse ouverte la porte à toute saison
Pendant qu’entre un poussin sorti de sa coquille.

Ils ont des bouquets de fleurs pleins le cœur encore
Qui peinent à éclore alors le sang s’endort…
Ont-ils en corps une lueur à voir dehors
Si sous le soleil tiède une pomme se dore ?

Clos fenêtres, porte et les yeux par précaution
Ne s’ouvrent qu’à l’aube quand l’herbe se redresse ;
La nappe blanche attend que la table se dresse
Et l’espoir veut savoir s’il garde sa caution.

Le chat dort devant la brûlante cuisinière
Et le chien jaune aboie le soir chez les Dubois ;
Ils boivent de l’Arbois, une bûche de bois
Est jetée dans le feu, ce sera la dernière.

Ils ont clos la porte, les yeux et les fenêtres,
La grille de l’entrée et la niche du chien.
Il est un peu le mien et le tien et le sien
Le destin des frangins qui sont mal dans leurs êtres.