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Jean-Michel BOLLET

Grand homme

Produire des pages puis en faire un volume
En les liant avec un fil d’or ou d’argent
Ou de lin ou de crin fait que l’œil noir s’allume
Dans le visage éteint d’un pauvre et morne agent.

Ce n’est pas qu’un gendarme est un tout petit homme
A cause d’un crâne né à moitié rempli
Mais s’il lisait Hugo (au moins un demi-tome)
Il serait plus futé pour gagner un franc pli.

Enflammer des mots et les battre sur l’enclume
N’est certes pas l’acte le plus intelligent
Puisque Rimbaud les a caressés de sa plume
Pour qu’ils volent sous les yeux de bœufs d’un sergent.

Pour un rustre, dans un livre vit un fantôme
Qui, la nuit, flotte dans un drap blanc assoupli
Par l’aïeul qui déjà éprouva le symptôme
De l’habit qui fit de lui un spectre accompli.

Il ne s’agit pas de revêtir un costume
Pour impressionner un neurone indigent
Et ne pas s’attendre à ce qu’une vie posthume
Redonne de l’étoffe à l’atome affligeant.

Un artiste élitiste existe à la police
S’il trace à sa pensée un sillon si profond
Que sa graine fera germer un tel délice
Qu’à peine il s’allonge en bouche et comme un rôt fond.

Il sait dessiner le pétale et le calice
Avec des mots choisis aussi jolis qu’un lys
Et l’offrande de son ouvrage est un supplice
A l’ami qui mise sur le kiss d’une miss

En se fichant pas mal de toute la malice
Que l’artiste a usée pour installer la fleur
En tête du lecteur qui devient un complice
En laissant sa milice à son peu de valeur.

Des pages aux mille phrases font un gros livre
Mais souvent quelques mots tissés d’or et d’argent
Ou de lin, ou de crin amènent un drôle ivre
A se hisser plus haut que son rôle d’agent.

La taille et le muscle ne sont rien au grand homme
Qui cherche à s’élever en cultivant le fruit
Exquis et qui se lit dans un sidérant tome
A ouvrir sans bruit et qui en vivant instruit.