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Jean-Michel BOLLET

En bas, la ville

Plane en haut un condor
Qui voit en bas qu’on dort ;
Les têtes des maisons vont du marron au rouge ;
Une ruelle tient un mur un peu penché
Et disparaît puis se retrouve à la police
Sans s’arrêter, sans se plaindre et lentement glisse
Vers le temple où un homme âgé endimanché
Est planté devant la porte et son corps mou bouge.
Passe une auto puis deux ;
Un cycliste merdeux
Plein de boue tout partout debout sur une roue
Saute sur le trottoir et rase un Doberman
Qui tressaille de peur et accroche une dame
Tenant son sac à main (comme ont tient à son âme)
Qu’elle secoue en l’air quand un policeman
Attrape le fou du deux-roues et le rabroue.
Lentement, le bourg vit ;
Le commerce est ravi
Mais moins du temple nu que de la belle église
Qui sonne la rentrée pour vendre la santé
De l’esprit et sa paix jusqu’au prochain dimanche
En prenant l’adhérent fidèle par la manche
Heureux d’apprendre qu’il ne sera plus hanté
S’il a l’obole mise au fond de sa valise ;
Se distinguent du haut
Les femmes en duo
Qui tirent les rideaux des bureaux et s’invite
Le jour chez les dossiers entassés sous les toits
Serrés l’un contre l’autre enjoignant chaque tuile
De ne laisser passer aucune goutte d’huile
Et d’eau pour faire que les chats pourtant matois
Glissent jusqu’aux chéneaux et jusqu’au sol plus vite.
Un bruit lancinant sourd
De l’épais magma lourd…
Se promène autour de la ville une muraille
Erigée sur une colline aux sapins fins
Serrés l’un contre l’autre en câlinant leurs cimes
Attachées aux forces plus que sérénissimes
Des quelques racines drues au pouvoir non feint
De maintenir le tronc droit quand la pluie mitraille
La fragile cité
Vierge d’atrocité.
Le grondement augmente ; accourent les fourmis,
Les vélos, les scootos et les automobiles,
Les pailles en bouquets qui balaient les trottoirs,
Les filles, les garçons malmenant les dortoirs,
Jouant à de vilains jeux de mains malhabiles,
Aux polochons volants qui n’ont pas le permis.
Tout cela m’émerveille
Et l’aimé maire veille
Sur le condor qui n’a pas fini de tourner.