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Jean-Michel BOLLET

Emmanuel

Dieu avec nous, l’Emmanu’el
N’a pas voulu que serve Ovide
A mépriser le manuel
Plein de rien dans un cerveau vide
D’un fatras de bric et de broc
Empêchant le chant de la brise
Caressant le mur et le roc
D’entrer dans la matière grise.

Les fringants intellectuels
Qui se gaussent de leur science
N’ont peut-être pas conscience
Que les sujets sont factuels
Sentant tableaux, bancs, craies d’école
Et bouquins si pleins de savoir
Que leur neurone éteint décolle
D’un endroit noir qui lasse à voir.

Ils sont casés dans le format
D’un grand cadre quadrangulaire
Qui comme un casque à jugulaire
Qu’à monter ne sert au bas mât.

L’ancêtre dit : l’intelligence
Est dans le bout du nez qui sent
Là où se trouve l’exigence
Du cœur si souvent réticent
A se faire tromper par les
Détenteurs des meilleurs diplômes
Faisant frétiller de ces hommes
La langue si bonne à parler ;

L’Emmanu’el, Dieu avec nous
Bien que bien nez est de naissance
A mettre au sol l’os des genoux
De ceux qui sont sans connaissance
A part les chants du vent d’autan
Et de l’oiseau joyeux et libre
Si peu gourmand qu’il est d’autant
Soigneux de sa gorge qui vibre.

Qu’il serait bon d’enlever tout :
Maths, physique et géographie
Et s’emplir du vent du Ventoux
Imprenable en photographie.

Qu’il serait bon de s’aérer
Le nez la bouche et les oreilles
Aux merveilles parties errer
Autour des ceps noueux des treilles
Au-dessus des monts et des cieux
Dans les plaines, sur les rivières
Qui sont toutes aimées des Dieux
Et des beautés des épervières.

L’espace a de la place et la
Maison vide a cuisine et chambre
Pour passants, mendiants, ceux-là
Qui voyagent même en décembre
Et qui savent se recevoir
Sans avoir la bonne manière
Et qui sont heureux de se voir
Tels des renards dans leur tanière.
Ils parlent des fraises des bois
Des mousserons et des bruyères
Et blaguent : avec quoi tu bois
Le fromage aux trous de gruyères ?
Chez l’un, le passé est chrétien
Lui suit le culte israélite
Un autre a besoin d’un soutien
Avec celui-ci qui milite.

L’Etat-Major d’Em Manu’el ?
Viré, l’intellect se délite…
Qui dit qu’il est habituel
D’être au parti pris de l’ « élite »
Qui s’est trompé surtout sur tout
Du biface à l’automobile
Ayant produit partout partout
Un monstrueux monde débile ?

Vite, vite au vide-grenier
Les encombrants bouchant la porte
A un petit classé dernier
Qui sait ce que l’air frais apporte.

Vive la joie du maraîcher
Amoureux de l’agriculture
Quand sur pieds va se dessécher
Un ministre de la culture.

Les mangeurs et les avaleurs
De piles de dictionnaires
N’ont sans doute pas les valeurs
Des paysans très ordinaires
Qui leur donnent de bons navets
Des courgettes et des concombres
Que les penseurs-censeurs n’avaient
Pas voulu voir sous leurs décombres.

Le simple n’est pas compliqué
Ne sortit pas par Lapalisse
Mais – coquin – a-t-il expliqué
Si l’âpre n’est par là pas lisse ?

L’orgueil fou du théoricien
Rejette bon sens et pratique
Quand un poète parnassien
Sublime un texte hiératique.

Sur terre et aux cieux Jupiter
Arqua son bras avec la foudre
Qui n’alla que décapiter
Quelques épis de blés à moudre.

Ce divin mythe - ouf - expira
Avant que naisse un Dieu céleste
Dont le régnant Fils soupira
Après une vie très modeste
Mais qui sut bien être malin
En renaissant dans l’âme humaine
Sans soutien et loin du Malin
Dont est déjà grand le domaine.

(Les vieux dieux n’étaient que des sots
Faisant peur à tout enfant sage
Qu’il voit la jambe aux gros cuissots
Ecrasant tout sur son passage.)

A mordu le fruit défendu
L’affamé de la Connaissance
Et le Dieu unique à fendu
Son cœur en paix dès sa naissance
Qui ne bat plus qu’en maugréant
Que l’Eternel veut la souffrance
Lui qui ne voulut en créant
La vie qu’exalter l’Ignorance
Des ennemis : le Bien, le Mal
En sacrant Reine l’Innocence
Dans le cœur pur de l’animal
Ignorant la déliquescence
Du comportement naturel
Laissant de côté la pensée
Associée au temporel
N’occupant qu’une âme insensée.

Las ! Le péché originel
D’un animal bon fit un homme
Qui perdit son corps éternel
Quand il osa croquer la pomme
Puis remplit ses plis de cerveau
De délices là pour comprendre
Qu’il vaut un veau ; son beau caveau
Saura – costaud - bien l’entreprendre.

(L’intelligent tient bien sa main
Guidée par le cerveau dont l’ordre
Est de montrer que tout humain
Est un veau sans dents qui peut mordre.)

Emmanuel sait-il que Dieu
Ne veut un peu qu’il réfléchisse
Mais que ses yeux soient radieux
Et que son âme ne fléchisse
Devant l’éternité des temps
Liée avec la main habile
A modeler et qui détend
L’insensé du monde mobile
A fouiller dans tous les recoins
Pour être en paix avec lui-même
Quand le canard a des coins-coins
Que sa cane en basse-cour aime ?