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Jean-Michel BOLLET

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Ainsi, assis devant le sac et le ressac
Des vagues d’océan fouettant les rochers,
Je songe, cœur vaillant, frissonnant, plein de trac
A commettre, céans, des vers endimanchés

Que je connais assez, rangés et alignés
En bordure de front, surveillés par mes yeux
Qui, délicatement, iront les déposer
Sur l’établi de chêne au bois dur et noueux

Où m’attendent ciseaux, marteaux, limes, rabots
Préparés à m’aider à façonner l’ouvrage
En brossant, en lissant, jusqu’à devenir beaux
Les petits éléments de mon grand assemblage.

Il me faut les choisir pour ce que je veux dire
Même si, quelquefois, ma pensée est confuse ;
Avant de les unir, je m’attarde à les lire
Et, j’attends longuement que mon idée infuse.

Souvent, en m’énervant, je déplie les genoux
Et je déploie mes doigts qui vont m’emplir un verre
Ou deux, sans adjuvants, un vin bien de chez nous
Aux fins d’avoir en tête une idée de trouvère.

Et si le remède n’ajoute rien de mieux,
Je vais près du sapin avaler la bolée
Du bon air résineux au goût délicieux
De sainfoin, de crottin et de fleur mentholée.

Je reprends les outils que j’avais délaissés
Et vérifie les mots dont l’un est déhanché ;
Ceux-là sont trop grossiers et se sont affaissés ;
Le marteau asséné redresse un pied penché

Suivi du rabot qui affine un tronc rustique,
Du ciseau qui un accent circonflexe étête ;
Lime, laine d’acier et couche d’encaustique
Peaufineront l’ensemble des pieds à la tête.

Et les vers vont danser en poussant les suivants
Mettant en mouvement une longue chenille
Aux ripatons chaussés de semelles de vent
Qui vont en s’envolant voir le soleil qui brille.

Mais je suis angoissé par leur vitesse prise
En les voyant grimper, après l’entrefilet
Du tout premier couplet, dans l’air frais qui les grise :
Ah ! Ces acrobates voltigeant sans filet !

Freinés et adoucis, je les capture en bouche
Pour les restituer d’une voix assurée ;
Je les déclamerai sans que ma langue fourche
Par peur de déclencher leur ire et leur curée.

Tous à la queue leu leu, ils s’en vont un par un,
Certains sont anxieux de savoir s’ils étaient
Vivants et rutilants, ou atones, éteints
Dans cette symphonie qui les avait portés.

L’un m’apostrophe à la fin d’un alexandrin :
« Hé, grand escogriffe, m’auras-tu oublié ?
Tu m’as donné un coup de patte dans un rein
Et moi je ne voulais pas être publié !

- Excuse-moi, reçois l’eau de mon goupillon :
Je vais te remplacer – dans ton entièreté -
Par ce vibrionnant et rose papillon
Doté d’ailes de soie tout de légèreté.

Allons, répétons donc une dernière fois :
Soyez bien concentrés : vous entrez sur la scène…
Je vais vous entonner avec ardeur et foi
Comme un psaume sacré venant d’une âme saine.