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Jean-Michel BOLLET

Dur avec lui, doux avec l'Autre

S’il est dur avec lui, il est doux avec l’Autre
Et toujours indulgent ;
Il n’est pas égal à ce païen qui se vautre
Dans l’or et dans l’argent
Sans même qu’un frisson de bonheur lui parcoure
Le cou, le dos, les reins ;
Il regarde alentour afin qu’un doux secoure
Ses peines, ses chagrins ;
Et le dur lui tend la main pour qu’il se détende
Auprès d’un cher humain
Lui disant à l’oreille et fort pour qu’il entende :
« Suis-moi sur mon chemin »
Je porte, si tu le veux, ta quincaillerie
Et tu m’écouteras
Te parler d’un vieil orfèvre en joaillerie
Plein de bijoux aux bras
Mort d’avoir trop rêvé pendant chaque nuit blanche
Au clou perceur de cou
A son lit devenu aussi dur qu’une planche
Donnant aux reins des coups.
Où veux-je en venir ? Là, où je veux que l’homme aille
Et où tu le voudrais
Mais tu crains, tu te dis « pourvu que ce choix m’aille
Ou bien je disparais. »
Alors qu’au fond de toi, poussent les bras d’un charme
Rempli de bons bourgeons
Enclins à s’ouvrir sur des feuilles dont le charme
Attire les pigeons,
Les tourterelles, les pinsons, les rouges-gorges
Et les mignons serins
Sifflotant tout autour ; les vois-tu mon cher Georges,
Tes sens sont-ils sereins ?
N’entends-tu pas leurs chants, ne sens-tu pas de joie
A les savoir si près ?
Comprends-tu qu’ils suivent la belle et bonne voie
Où grandissent cyprès,
Bouleaux et peupliers, marronniers et ce chêne
Aux bras valant de l’or ?
Ôte don' ta gourmette et ta bague et ta chaîne :
Allège-toi, alors ;
Boucle tes sandales, prends ce bâton de marche
Et fends la joue du vent,
Fatigue l’horizon, tiens-toi droit sous chaque arche
Et sois toujours devant ;
Voilà ! Tu prends des cors aux pieds, tu perds du ventre
Et ton corps s’endurcit ;
Voilà ! Tu sors petit à petit de ton antre
Et ta vue s’éclaircit.
Tu ne voyais que le clinquant, que l’artifice
Du mortifère ennui ;
Grâce à ce sursaut, ce morceau de sacrifice
Tu tues ce qui t’a nui.
Je t’admire ainsi que l’œil aigu du rapace
Mais moins que mes amis
Gel, soleil, neige et pluie fendeurs de carapace
Que je passe au tamis.
Je vois des fleurs blanches-bleues sortir de ta bouche
Des oreilles, des yeux ;
Une abeille – déjà – s’approche, peu farouche
Et inspecte les lieux ;
Des centaines viennent ; tu me dis : « mais, on m’aime !
Que donc espérer mieux.. ? »
Tu es dans un rêve et le bonheur est lui-même
Un don venu des cieux.
Ton être est fou de joie, tes branches sont fleuries
Qui - déjà – ont des fruits…
Tu as converti, mon ami, tes pierreries
En royaume construit
Sur des fondations de racines profondes
Qui tiennent ta maison
Où viennent les oiseaux sans que tu les confondes
Avec ta feuillaison ;
Tu es dur avec toi et doux avec ton Autre
Va et marche sans peur
Car tu es devenu – bien que nu – un apôtre
Sorti de sa torpeur
Qui donne du miel à la guêpe et à l’abeille
Bourdonnant en essaim
Qu’elles rapporteront au sein de leur corbeille
Car tel est leur dessein ;
Tu as offert mieux que le meilleur : ce qui lève
A l’intérieur de toi
Qui s’en va haut dehors ; le Maître voit l’élève
Au cœur touchant le toit
De son Ciel et la blanche et pure tourterelle
Prend cet organe sain
Sous son aile et d’une manière naturelle
Emporte, fière, un Saint.