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Jean-Michel BOLLET

Deux vieux

Les feuilles sont tombées laissant seules les branches ;
Les ombres sont parties, les mouvements aussi ;
Le soleil reste encore et semble avoir grossi
Dans un quasi désert fui par les couleurs franches.

Je passe chaque jour sous les grands peupliers,
Le regard étonné tourné sur leur écorce
Entourant le tronc fin et quand le vent se corse
Leur haute cime oscille et sans mal peut plier.

A deux pas de ce lieu, reste un couple de vieux
Dans une chaumière à la porte en bois branlante,
Se contentant de grâce et de pauvreté lente
Dans le quotidien mis dans leur foi en Dieu.

Quand s’approche le soir, assis tout près du feu,
Ils surveillent l’horloge où le temps se balance
Et goûtent, cils baissés, ces moments de silence
Où ils sont attentifs à ne bouger qu’un peu.

Ils se tiennent, heureux, par le trait de leurs yeux,
Par le parchemin de leurs mains laborieuses
Qui ont parcouru de leurs paumes curieuses
Toutes les beautés que connurent leurs aïeux.

Rien ne les divertit de ce tendre bonheur,
De ce muet partage avec leur solitude
Qui leur tient compagnie avec cette habitude
De ne rien demander pour garder leur honneur.

Maladies, misères, haut-le-cœur, malheurs, peurs,
Sont venus les troubler avec de lourdes armes
Et ils ont résisté en versant pleurs et larmes
Qui ont nettoyé la langueur de leurs torpeurs.

Le rose de leurs joues fait triste mine grise ;
La ride a cheminé des tempes jusqu’au cou ;
La fleur dans le vase ne tient plus trop le coup
Et réclame de l’eau et un bon air de brise.

Ils s’en vont doucement, avec sérénité,
Dans la paix partagée d’un soir bien ordinaire
Un peu pénétrés par un monde imaginaire
Qui les accueillerait dans son éternité.

Que pensent-ils de nous, nous qui à eux pensons
Seulement en croyant qu’ils sont dans l’indigence ?
Leur parole est rare et ils ont l’intelligence
D’économiser tout quand trop nous dépensons.

Je suis un peu jaloux, amusé, envieux
En les observant par un carreau de fenêtre
Et leur dépouillement au fond de moi fait naître
Le désir de changer ma peau de jeune en vieux.