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Jean-Michel BOLLET

Depuis tout petit

Depuis tout petit, j’ai appris
Que ce qui compte dans la vie
N’est pas le soleil de Capri
Ni la peau douce de Flavie.

Une « bonne situation »
Est la prière de la mère
Qui connaît l’opération :
Moins de bon égale à l’âme erre.

Travaille et sois toujours premier
Au catéchisme et à l’école
Et recompte dans ton plumier
Crayon, gomme, encre, compas, colle.

Ton père porte haut son nom
Sans avoir volé trop de choses
Et sa fortune-champignon
Crût comme croissent lys et roses.

Il fut un champion du dix
Et du vingt sur vingt au lycée
Qu’eurent tes ancêtres jadis
Front blond, allure policée.

Si tu désires te payer
Un désert, sois milliardaire
Et fais planter un papayer
Pour rafraîchir ton dromadaire.

Nous, désormais, ne faisons rien
Que de plonger dans la piscine !
Quant à ton copain Adrien
Il prend son bain dans sa bassine !

- Mère, as-tu vu un bec d’oiseau
Et un cyclamen de septembre ?
Sais-tu siffler dans un roseau
Et calmer l’âne qui se cambre ?

Mon copain a double zéro
Mais sait compter sur ma présence
Pour faire à nous deux des héros
D’un train de vie sans complaisance.

Ton cerveau choisit l’ascenseur
Et lui, l’escalier de service
Pour grimper et dire au censeur :
Chacun est libre de son vice.

Votre auto est réservée aux
Membres de la fainéantise ;
Sa jambe à lui est levée haut
Pour la marche (votre hantise)

Ecoutez-le chanter comme un
Rossignol perché sur sa branche !
Qu’as-tu avec lui en commun
Qui n’a pas d’appareils qu’on branche ..?

Vous attendez le boulanger ?
Lui fabrique son pain de seigle
Qu’il fraise et roule en boule en G
La main experte et l’œil de l’aigle.

Quant à moi, je plains cet objet
Qui s’ennuie dans une vitrine
Mais, debout, j’écris - et d’un jet -
La joie qui bat dans ma poitrine.

Maman, je vous laisse l’argent
Et garde ma pauvreté riche
De fleurs des champs, de braves gens,
D’Adrien qui de vous se fiche.