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Jean-Michel BOLLET

Ces deux peupliers

D’ordinaire, ces deux peupliers sont joyeux
En dansant avec les feuilles de leur branchage,
Si collés, si serrés qu’ils risquent l’accrochage
Evité, grâce à Dieu, par leurs chatons soyeux.

Une saute de vent aide au rapprochement
Du bassin guère moins fin que leur fine cime
Et s’embrassant avec un bonheur rarissime,
Ils s’inclinent, ravis, avec un hochement.

En désirant s’aimer, ils se sont éloignés
De deux chênes rassis et d’un vieux congénère
Arguant qu’un tel amour grandit et dégénère
Quand lui-même a souffert et veut le témoigner.

Mais, c’est le plein été et la sève s’échange
De feuille à feuille en nourrissant la frondaison
Où s’est épanouie la jeune floraison
Attendant, sagement, le temps de la vendange…

Insensiblement, bonds, élans, s’espaceront
Sans que s’adoucisse leur face-à-face à thème
Mais, leurs chants ne diront que des faibles « je t’aime »
A mesure que les « durs » les agaceront.

Les voici infiltrés jusqu’au cœur de chez eux
Et ont mordu, mangé, dévoré, ces voraces
Leurs chairs et leurs bras - la fierté de leurs races -
Ne purent retenir le nid des pies sans œufs.

« Tu vois, il ne nous reste rien à échanger ;
On ne peut que faire du pied à nos racines ;
Nous n’avons plus, pour nous soigner, les médecines
Que nous fabriquions : nous avons bien changé…

Le père congénère avait sang froid raison
D’avancer que s’aimer requiert toute la force
De la prime jeunesse à la coriace écorce
Qui tient le tronc de notre éphémère maison. »