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Jean-Michel BOLLET

Ca swingue

Je malmenais Armstrong Louis de Nougaro ;
S’énervaient sous mes coups les dents noires et blanches
Qui ricanaient « si tu tapes sur nous gare aux
Faux oiseaux qu’on fera descendre de leurs branches. »

Mais, qu’importe, après tout, j’étais dans le tempo,
J’avais à mes côtés la bouteille carrée,
Le Havane roulé, le rythme dans la peau,
L’inspiration forte et ma mère effarée.

Je me désaltérais, parce que je m’assoiffe
De bringue, de musique en poussant les amplis ;
Ca me prend brusquement, je veux que ça décoiffe
Les types bien peignés, la belle mise en plis.

C’est vrai que c’était beau, je suis musicien
Autant dans le mélo que dans les mélodies ;
On m’avait surnommé maître magicien,
Prestidigitateur, jongleur de rhapsodies.

Et plus j’étais en rythme et plus j’avais la rime
Et les sons les plus chauds autour d’accords parfaits ;
J’exultais, je chantais, ce n’est pas de la frime,
J’avais dans le buffet placé tous mes effets.

Je buvais, je crachais les paroles, les mots,
Ma tartine beurrée que j’avais enfournée
Et ma tête tournait, je repensais à Meaux,
Son nom Brie pastiché pendant une tournée.

Et je partais en swing tirant sur l’élastique
Du phrasé syncopé (Saint Copé prie pour nous) ;
Le jazz allait jaser jusqu’à ce que j’astique
Les notes de musique implorées à genoux.

La pendule et le coq, l’hombre* et la lumière :
Que de douces folies, que d’associations !
Allez la batterie, les cuivres, la première
Mélancolie dans une improvisation.

Mais, mon piano geint : où es-tu occitan ?
Tout Toulouse te pleure, ô mon louseur de Claude
Lâchement endormi ; je t’ai connu citant
Jacques Audiberti que le beau vers taraude.

Alors, je me sers, à bout de souffle, un grand verre
Ou deux peut-être pour devenir un sorcier ;
Les dents dansent, valsent à l’envers ; le trouvère
Que je croyais être doit virer épicier

Je me fais infuser thé et café salé
Pour digérer ma bière et même la dissoudre ;
Je suis assis sur une seule fesse, allez,
Tu vas voir Claude, comme je vais tout résoudre.

Mais, ça ne va pas mieux, les mots deviennent vieux
Et les pizzicati sont de petites larmes
Qui tombent mollement d’un pan trop bleu des cieux
Où le soleil luit en se moquant de leur charmes.

Claude, ne m’en veux pas, j’ai du cauchemardé.
Dis, on se voit bientôt, on verra la Garonne
A la corne espagnole aller entrelarder
Les taureaux adulés par la vieille baronne…

* Homme