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Jean-Michel BOLLET

Assis sur un banc public

Assis sur le banc vert public devant
Les eaux du Doubs qui sautent le barrage
En même temps qu’une langue de vent
Qui part en un éclair avant l’orage

J’entends une voix aiguë dans mon dos
Puis sur ma joue en sortant d’une bouche
Qui dit « puis-je m’asseoir face au cours d’eau ? »
- Oui, madame, je ne suis pas farouche ;

Et malgré que le banc est assez long
Pour accueillir plus qu’une entière fesse
Je me desserre et je me dis allons
Je sens qu’elle va passer à confesse.

Nous voici donc en place à chaque bout
Du rustique siège où vide est son centre
Qui attend que le promeneur debout
Lui présente l’opposé de son ventre.

La voix s’est tue et un livre est en mains
Que je vois en coin pendant que l’eau chute
Maintenant et pendant des lendemains
Sur les pierres sans qu’elle se rebute.

Les nuages sont gris, le ciel est bas
La chaleur est assez insupportable
Mais par bonheur, l’orage, au fond, là-bas
Reste dans cet espace intransportable.

Eternelle est la contemplation
D’une beauté forte offerte et sauvage
Aux espèces de population
Liées aux lourds boulets de l’esclavage.

Les yeux de la voix ont pris le relais
Avec l’idée de lever la pensée
Installée sans souci dans son palais
Qui n’apprécie pas d’être dépensée

Pour un essai, un conte ou un roman
Incapables d’égaler l’excellence
D’un tableau du Maître qui sut comment
Avoir sur toute œuvre la prévalence.

La voix s’est tue dès la tête tombée
Pendant qu’il me plaît de voir jouer l’eau
Qui sous un long vol d’oiseaux surplombée
Montre son saut qui finit en rouleau.

La voix n’a rien dit, le corps s’est levé
Et Alain, le philosophe émérite,
Eût pu dire qu’il n’a pas enlevé
L’insuffisance obérant le mérite.

Heureusement, la voix n’a pas parlé
Pour me casser le profond des oreilles
Et je ne veux rien entendre à part les
Fracas des flots et les cris des corneilles

Mais la voix est bien au-dessous des yeux
Qui dominent les soubresauts de gorge
En s’emplissant des hauts sauts de ces lieux
Qui ont – salauds – les voyous, tué George
L’année passée ; l’ami a parcouru
Sur ce même banc un livre à suspense
Quand, il a – sans coup de départ - couru
Vers l’effrayant barrage et j’y repense.