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Jean-Michel BOLLET

Appelez le blé de tendreté

Elles sont trop longues les heures de lycée,
Plus encore celles consacrées à des maths
Qui s’achèvent par le terrible échec et mat
Infligé à cette nourriture épicée.

Les apprentis sorciers de la vie par le livre
Déchantent bien souvent devant l’inanité
Du projet d’apprendre la belle humanité
A travers le Savoir qui soi-disant délivre.

Le bourrage de crâne a-t-il l’intelligence
De comprendre que tout ce que créa l’humain
Fit du mauvais hier un pire lendemain
Et que roule un regret dans une diligence ?

Qu’importent Pythagore et son hypoténuse,
Les théorèmes de Thalès et de Mahler,
La magique chimie qui met l’azote à l’air
Et montre qu’il est sûr que le dur tungstène use.

Quelle est l’utilité de citer Aristote
Et de philosopher sur Sophocle et Platon ?
(Qu’abhorrait le casseur de Carthage, Caton
Dont les écrits tournaient autour de la litote)

S’il faut se délecter d’Hugo et de Voltaire
Et louer l’exploit du canal de Panama
Un pyjama n’ira jamais à un lama
Et marche aussi « l’élite » au pas du militaire.

La roue utilitaire ? Avant elle, la terre
Apprit seule à tourner et sans ingénieur
Applaudie dans les cieux par son supérieur
Qui l’a modelée sphère et non quadrilatère.

Le mont Gerbier des Joncs a vu naître la Loire
Et à Besançon, le Doubs, va doux et sans son,
Sans avoir eu vent de la chanson de Samson
Dont l’Histoire a peigné les cheveux pour sa gloire.

Que reste-t-il de tout ce fatras didactique
A part d’avoir comblé la curiosité
De gens intelligents qui ont tout visité
Mais n’ont pu dompter les glaciers de l’antarctique ?

Le paysan n’envie pas l’excellent élève
Devenu éditeur, docteur, instituteur,
Certes, malins, mais dont le besoin d’un tuteur
Est pareil au pois qui à sa rame s’élève.

Il est bon de gloser sur la lune ou Mercure
Et de se demander si Milou et Tintin
Ont pu y séjourner mais romarin et thym
Donnent aux intestins une excellente cure.

L’Homme pour noyer sa condition humaine
Et son oisiveté inventa l’affreux job
Qui ne put éviter la pauvreté de Job…
Et, sans cesse, depuis, il étend son domaine

Au lieu de planter pois, salade, radis, rave,
Carotte, haricot, concombre et de cueillir
Les fruits de son verger et s’il veut accueillir
Le Savoir pour le soir, le Mal n’est pas trop grave.

Avant le coucher, a passé la dernière heure
A recenser dans son cœur les cent raretés
Qui ont empli son corps d’étés de puretés
Restitués par son souffle dans sa demeure.

Le cauchemar noir-rêve rose est un cas rare
Où paissent une biche, un cerf et leur enfant
Derrière une clairière et un fan voit ce faon
Egal à une dalle en marbre de Carrare.

Bien qu’il dessine éclipse, équinoxe et solstice,
L’omniscient a du mal à esquisser Dieu
Et quand on lui demande, il se trouble et dit « euh,
Peut-être se cache-t-il dans un interstice. »

La soif d’apprendre, la faim de la connaissance
Ne rassasieront pas l’appétit de la mort
Insatiable, qui se nourrit sans remords
De l’imbécile heureux, ravi de sa naissance.

S’il faut passer du temps à chercher le comment,
Le pourquoi, le quoi, le qui et le ver (s) où mène
La Vie avec un V majuscule et amène,
Appelez le blé de tendreté le froment.