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Jean Louis BESSIERE

Dédicace.

J’ai longuement croisé la fougue d’un trois mats,
L’azur se confondait au bleu de sa bannière,
Sa coque trop léchée ciblait d’autres climats
Et ses jeunes gréements, espéraient vent arrière.
Loin des anneaux de fer l’océan l’appelait,
Mille envies d’être ailleurs bouillonnaient en ses flancs,
Quand le clapot du port ourlait ses flots violets
Surgissait du brouillard un banc de goélands.
Je l’ai vu s’arracher à ses filins d’acier,
Puis, engager le pas des Parques et des Moires,
Ses fiers poumons de bois à l’étrave émaciée
Exhalaient dans un souffle, un oracle d’espoir.
Dauphins et albatros escortaient son sillage,
L’océan déroulait son drap d’immensité,
Et son vert étendard ne savait plus son âge
Enivré aux aurores et aux matins d’été.
Ses envies l’ont poussé vers tous les horizons
Et ses ardeurs, perdu en des îles lointaines
Où, déserteur fiévreux des havres et des pontons
Les lames ont délavé l’éclat de sa carène.
Egaré sous la nue près des côtes d’Erin,
Il s’émut aux atours troublants d’une sirène,
De ses yeux coulaient miel, amour, blond lendemain.
Les mats gorgés de vie d’artimon à misaine
Leur jeu vint s’accoupler à celui des dauphins,
Il s’était sacré roi et la voulait pour reine.
Il la sentait en lui, elle le pressait en elle
Escorté par la houle, affûté par les lames
Le cœur écumant l’onde en un bruissement d’aile
Loin des froides saisons, ad vitam aeternam
Le temps défit pourtant l’écheveau des amants,
Et la belle évinça les soleils d’autrefois,
Faisant fi des remords, des toujours, des serments
Elle s’alla succomber au hasard d’autres fois.
Orphelin de l’amour qui gonflait son génois,
Le fringant bâtiment étouffa ses silences
Aspirant au mirage d’une ombre qui ondoie
Les souvenirs chagrins avivaient sa souffrance.
Epuisé de détresse, ivre de désarroi,
Vulcain incruste au fer sa lame incandescente,
Sa vergue ballottée aux bouches des détroits
Scrute mille rochers aux formes obsédantes.
Sa voix privée d’écho dissone des arpèges,
A sa proue les embruns explosent mille larmes
Les courants l’ont guidé loin des voix sortilèges
Et le désert salé assourdit ses vacarmes.
La grande ourse a conduit sa course échevelée,
Aux rives émeraudes, sur une eau apaisée.
Les facétieux dauphins ont quitté son chevet,
Et son ciel, à nouveau, rêve de s’embraser.
Oubliant lentement le deuil de sa voilure,
Sa nef vint accoster aux rives de l’amour
Appelant sur sa proue son ardente brûlure
L’ancre et le cabestan salueront son retour.
Plus tard, plus loin, bientôt ! Demain ?
Sa quête s’ouvrira aux appels d’une ondine,
Les embruns fleureront des odeurs de jasmin,
L’onde les chérira, loin des fourches caudines.