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Jean GALLOY

Le chant du cygne

"Et moi, humilié, blessé,
que ton salut, Dieu me redresse,
je louerai le nom de Dieu par un cantique,
je vais le magnifier, lui rendre grâce"
(Psaume 68)

A l'heure où la blessure
se révèle mortelle
A l'heure où la brûlure
du don de soi mord, telle
la dent de la vipère
et que s'enfuit, et que se perd
ce fluide rouge ébène
qui en son sein promène
la Vie, le ciel en gouttière,
- celle-ci chante au jusant de l'haleine...

O vent amène
qui souffle au ras
de l'arène !
Jolie silène
qui pousse en bas
des mortes plaines !

A l'heure où l'Amour fait passer par la croix,
en cette heure-là,
se joue un Mystère.

Ce Mystère-là,
c'est comme un concert
qui offre son la
en tenue de serf.

C'est comme un concert
qui donne et qui sert.

Ses cordes, ses bois,
fredonnent leurs airs
comme dans le bois
le brame du cerf
qui chante aux abois
l'eau de la rivière...

Une légende signe cet ultime râle
du chant d'un animal.

Ce soir où la nuit met son voile
sur les paupières de sa vie,
le Cygne, comme au vent la voile,
s'en va, poussé par un mistral
hors de lui
dans un ultime râle.

De son plumage un blanc cantique
s'échappe :
Les voix de la légende antique
pressée aux grappes mûres
du cœur humain gorgé de mystère.

D'abord, comme une voix descendue d'une étoile
qui fait tomber son voile
des hauteurs,
comme un appel voilé,
enchanteur.

De la mort l'amour ne serait-il pas l'auteur ?
Quand il vient s'oublier
A l'autre offrant son cœur.
Quand l'amour te frappe comme un bélier,
La mort te mord.

Le chant du couchant
auquel fait écho, de l'autre côté de la nuit,
la voix liliale
de l'Aurore en son reflet filial.
Danse boréale
à l'orée de cette nuit glaciale.

O nuit voici ton noir silence,
S'accorde à la voix blanche de l'absence
de Celui qui est là, mais derrière le voile
de Celui qui m'attend, mais de l'autre côté
des étoiles..."

Regarde les étoiles.
Tu y trouveras la croix du cygne.
C'est l'ombre portée
de ce moment d'offrande sur la céleste toile.
Cette croix qui des perles de ton corps dotée,
dans le ciel a brillé plus qu'un feu de vestale.
Limpide parure d'un mourant pâle...

Et cette neige, pluie de flocons qui s'éplument
allume dans le ciel un silence en velours...
il n'y a pas de mot pour porter cet Amour.

C'est ainsi que, les ailes déployées,
les yeux fermés,
vers les hauteurs tu t'élances,
embrassant la nuit au dos de la potence.

C'est ainsi que, léger comme une plume,
tu t'évapores en ton essence,
que ta gangue, écrasée par le poids de l'enclume
libère son cœur en partance
dans une pluie d'étincelance...

"Ma vie, nul ne la prend, mais c'est moi qui la donne.
Et c'est l'Amour qui me l'ordonne.
Recevez ma couronne :
Je vous la donne."

L'amour vrai passe par la mort.
Et aime encore.
L'amour est fort plus que la mort.