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Jean GALLOY

L'or noir

Pétrole ô soleil noir
ciel déchu sous la terre
énergie des abîmes
pétrole Prométhée
qui absorbas la lumière du soleil et l'enfouis sous la terre
voilà maintenant que tu sors de ton antre
sucé par lampées par des hommes avides
de ton sombre éclat pareil à celui des ruisseaux
d'argent qui coulent à flots dans les villes
et serpentent entre des mains au coeur desséché
o minarets sangsues de la terre,
jusqu'à quand boirez-vous ce qui ne désaltère
que la soif de pouvoir, que la soif insatiable ?
pétrole o noir miroir du coeur fossilisé des hommes
o pétrole tel que t'ont fait les hommes, tu es si défiguré...
tu t'évapores tel un mirage qui se dissipe

O pétrole toi que Dieu a créé dans sa sagesse
toi le vivant repos de toute la verdure qui a accompli son temps sur la terre
tu souffres violence
et on te tire de ta paisible demeure
pour te galvaniser
et tirer de ton suc ce plein de vie
dont après tant de milliers d'années tu avais bien besoin,
toi l'essence, toi la moelle des plantes passagères...
et maintenant c'en est foutu de toi
te voilà condamné à pétarader sur les places
comme une bête de cirque.
Pauvre soleil devenu fric...

Qu'as-tu à nous dire du fond de tes entrailles ?
dans ta gloire évanescente, incandescente passagère
il ne te reste plus beaucoup de temps pour délivrer ton message.

Peut-être, qu'il est bon de garder au fond de soi ses ressources secrètes, à l'abri des regards
celles issues de la lumière
peut-être que d'user la sève de notre être,
répandre l'huile de notre lampe au dehors
c'est jeter au vent ce que l'on a de plus précieux...
Un arbre ferait-il commerce de sa sève sans se saborder ?
et mon âme est un temple, la terre, écrin de Vie.
Peut-être aussi le témoignage
d'un sang donné jusqu'à la lie
à qui le pompe, sans compter
o terre exsangue, o terre mourante,
tu portes en toi l'empreinte de ton Créateur
dont coule encore pour nous le sang rédempteur.

Pardon, Terre mère, nous t'avons consumée
o pétrole pardon, nous t'avons pétrifié...

"Le Royaume de Dieu souffre violence, et des violents s'en emparent..."
Tu souffres, ô Souffle, en notre sein
en notre sein insatiable de gains
en notre sein regorgeant de tes biens
donnés sans retenue à chacun...
"là où es ton trésor, là aussi sera ton coeur."