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Jean CIPHAN

Seul

Nous ne fêterons pas ensemble nos seize ans.
Je n’irai pas demain à ton anniversaire.

Où es-tu, mon ami ?
Tu n’as pas répondu, tu n’as pas condamné.
Tu n’es pas revenu.

Quand nous étions enfants, c’était si différent…
Je t’aimais, tu m’aimais… Nous étions «David et Laurent» !
Nous nous contions petits bonheurs et aventures
Et nos secrets à deux étaient d’amitié pure.

Sur les sentiers nouveaux qui sont ceux d’aujourd’hui,
Tous ces moments chéris partagés dans l’enfance
Transcendent nos humeurs, exaltent nos passions !
Se croisent nos regards, s’embrassent nos épaules,
Se confondent parfois nos souffles…

Je l’ai craint tout d’abord,
L’ai ressenti, au fil des jours, toujours plus fort.
Je l’ai compris…
Je t’aime !
Si souvent se croisent nos regards…
Depuis des jours, des mois, peut-être des années
Tu es entré autrement dans mon cœur…
Le sais-tu ?
Tu le sais, je le sens.

Ensemble hier, comme souvent,
Nous avons couru. Longtemps.
Le banc. Le puits.
Cœurs battants. Torses proches. Bras ballants.
Regards.
Une accolade, un câlin fraternel. J’ai osé un baiser !

Ton visage un instant s’est figé sans sourire.
Et tu n’as pas voulu cueillir les quelques mots
Si tendres de mon aveu sourdement murmuré.
Et tu t’es écarté.
Deux larmes ont roulé sur l’aile de ton nez.
Tu les as effacées.
Et tu as soupiré et reniflé ta peine…

Tu as cherché mes mains, les a serrées très fort,
Et d’une voix rauque inconnue
Tu as simplement balbutié
«Mon père me tuerait… du moins me renierait
Et maman en mourrait».

Tu as abandonné la margelle du puits
Qui nous servait de banc…
Et tu as pris la Grande Allée…
Sans te retourner.

Couvraient-ils un émoi, un pleur, une prière,
Ces quelques mots lâchés ?
Je l’entends comme en scie, ton soupir sourd rentré.
Ton refus qui n’était que d’un simple baiser
Masquait une autre peur, l’orage de ton père.

Ô mon ami…
C’était hier,
J’allais juste te dire après ces instants-là,
J’allais te dire… que ma mère,
M’entend souvent parler de toi
Et sait tout depuis si longtemps…

Où es-tu, mon ami ? Où es-tu mon amour ?
Tu n’as pas répondu, tu n’as pas condamné.
Tu n’es pas revenu.

Seul.
Je me sens si seul.
Je n’irai pas demain à ton anniversaire.
Nous ne fêterons pas ensemble nos seize ans.

(Chemins d’ailleurs - 2018)