Il n'est pas rare que l'on se souvienne, Parmi nos amours conquises aux hasards, Celles prises à d'autres et qu'on a fait siennes, Puis abandonnées pour d'autres regards.
Mais les années passent sur les mois, Et les jours sur les nuits ; alors triomphant, Vainqueur comme il l'est à chaque fois, Le temps chasse nos amours d'antan.
De la tourmente de nos sentiments, Juste quelques fantômes poussiéreux, Au fond de nos cœurs ravagés et suppliants, Parmi nos souvenirs éternels et piteux.
A trop aimer on finit par mentir, Sans remords, sans joie et sans pardon, Les poètes aussi finissent par haïr, Et leurs âmes pour échapper aux démons,
Abandonnent à quelques divines Des lambeaux de cœurs et leurs belles vertus, Pour mieux se rappeler les amours enfantines Des tendres et lointains paradis perdus.
Les hommes succombent sous des avalanches De bons et mauvais, de vrais ou de faux sentiments, Plus maléfiques encore que des dimanches Et aussi faméliques que des morts-vivants,
Qu'il incombe aux poètes les revanches Triomphantes de nos antiques héros, Où dans le tumulte des aurores blanches Tout n'est plus que fracas de chair et d'os,
Où des cœurs meurtris accrochés dans les branches Ou portés comme de vulgaires oripeaux, Où de vieux scalpes attachés sur la hanche, Saignent encore, sans trêve et sans repos.