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Jacques HOSOTTE

La fable de l'enterrement ridicule

Il était une fois dans une terre étrange
Un peuple qui détestait vivement la mort.
Il ne vouait à son spectre aucune louange.
Et ne désirait pas s’en remettre à son sort.
Pour s’en détacher, il créa des lois absurdes
Sans crainte de passer pour un pays de gourdes.
Afin que de cette terre la mort circule,
Le parlement excella dans le ridicule.
Il fut interdit de décéder le dimanche.
Toutes les tombes devaient avoir une couleur blanche.
Plus aucune expression contenant le mot mort
Ne devait créer aux bonnes âmes quelque tort.
Et tant d’autres lois encore vinrent s’ajouter.
La mort, agacée, vint sur terre sans trop tarder,
Pour donner une leçon à ses ennemis.
Ah, ces hommes, ils croient ne plus être à ma merci!
Je vais leur jouer un drôle de tour, se convainc-t-elle!
Il se trouvait que le président de cette terre,
Qui ne désirait pas aller au cimetière,
N’en finissait pas de mourir en sa parentèle,
Laissant espérer un prompt retour à la vie.
Quelle aubaine pour la mort, saisie de l’envie,
De précipiter l’enterrement de cet homme,
Que nul protocole n’avait préparé, en somme.
La mort, très enjouée, précipita son trépas,
Qui fut à l’origine de bien des tracas.
Aucune tombe n’avait encore été creusée,
La cérémonie dut donc être reportée,
Au dimanche suivant la journée du décès.
La mort se décida à ourdir un procès
Devant le parlement qu’elle finit par gagner.
Les obsèques furent donc à nouveau ajournées.
Le jour du départ finit par se présenter,
Et la mort désira être dans l’assemblée.
Alors que l’office religieux battait son plein
Le célébrant montra des signes de faiblesses,
Finit par mourir, laissant les gens dans la détresse.
Ah, se dit la mort, quels vont être leurs desseins!
Ils vont devoir chercher un nouveau célébrant
Qui n’ait pas un destin aussi décourageant!
Le moment n’était pas aux débats politiques,
Le représentant de l’Etat devait agir vite.
Il faillait à tout prix éviter les temps morts,
Pour enterrer cet homme, sans nouveau report.
Un curé qui passait par là fut appelé,
A célébrer cette cérémonie raillée.
Il chuta sur les trépieds qui portaient le cercueil
Et le mourant en sortit sans beaucoup d’écueils,
Alors que ledit curé ne s’en sortit pas.
Que fallait-il faire devant ce nouveau trépas
Avec un mort qui voulait être de la fête?
C’en étaient assez se dirent les élus bien bêtes,
Nous allons l’enterrer sans façon, sans office.
La famille du mort s’en prit à cette injustice,
Et voua à la mort tous les élus présents.
La mort ainsi appelée monta à la tribune,
Et parla en ces mots contre cette infortune :
Je suis la mort et j’ai voulu vous jouer un tour,
En me niant, vous n’empêchez pas mon retour,
Vous ne faîtes que me maintenir dans vos alentours.
Laissez moi vivre, recevez moi en troubadour,
Et je vous laisserai bien à vos mises en bière,
Avec modération bien sûr, dans vos chaumières.
La prochaine fois que vous me rencontrerez,
Faites le mort et vous me tromperez. Vous en conviendrez.