Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Hassan BEJJA

Une nuit, quelque part en Afrique.

Posément, sous une lumière ronde,
Qui pleut sur un plat noirâtre et l'inonde
De fins filaments d'or,

Une main noire, affermie sur la rate,
Saisit, d'un prompt acte auguste, la pâte
Grise au si tendre bord,

Tandis que, sur les joues fort noires, blanches,
Des perles s'effondrent en avalanches,
Que l'autre main reçoit.

Trois bouches fanées, tout autour, en liesse,
De leurs chants mielleux emplissent la pièce.
Chants que renvoie le toit.

La dame, tout en érigeant les bûches,
Pour le brasier, pour ses coqueluches,
Entame le récit.

Le silence des enfants sitôt règne,
La rose du feu dans la joie les baigne :
Le temps se rétrécit.

Envoûtés par la chaleur de la flamme,
Du conte et par la splendeur de sa trame,
Par la douceur du soir,

Ils écoutent, cois, crépiter la braise,
Lorsque, de la poêle que le feu baise,
Naît l'odeur du pain noir.

La flamme s'éteint ; le conte s'achève.
Avec le cri de joie qui se soulève,
La nuit change de ton.

Puis, comme toujours, comme l'avant-veille,
Le nez se referme ainsi que l'oreille :
Pour chacun son croûton !

La pleine lune, brusquement timide,
Que filtre, par-dessous le toit humide,
Un trou de clair bleu teint,

Tire sa longue traîne puis s'efface.
La larme, cessant d'arroser la face,
Sèche dans l’œil éteint.

Alors, comme un vieux bateau qui s'écroule,
Cédant aux vents de son sort et sa houle,
Mère noire s'abat.

Après tant de tourments et de souffrances,
Dans cette mer aux multiples carences,
Elle perd le combat.