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Hafid ADNANI

Sur les traces de ma mère

Que le fleuve d'ici et l'océan me pardonnent

Aujourd'hui je n'ai d'yeux que pour la rivière
La ville et ses habitants, ce trop plein de bruit
Le musée du Louvre et les poupées de Grévin
Le café de Flore et la tasse noire et chère
Face à Lipp et la fin de Ben Barka
Et à côté des Deux Magots de Sartre
De de Beauvoir et de bien d'autres
Ce Saint Germain des Prés fuit par Kateb
Tout cela m'indiffère
Pire, tout cela m'insupporte profondément
Aujourd'hui, le ruisseau sec des allées de mon enfance,
La plage de Cap-Aokas et les rues de Sidi-Aïch
"La place" de Seddouk et ses cafés chaleureux
Akbou et tout ce qu'il y a autour
M'appellent et me supplient

Cheikh Aheddadh hante mes nuits
Pourquoi pas moi ?
Pourquoi parler de ce lointain Pélégri ?
Ceci est de la déculturation
Je me défends que non
Que Pélégri et Camus sont des frères
Mais alors plus que Si Mohand ?
Mais alors plus que Slimane ?
Qui t'a dit que Camille-des-Moulins était brave ?
As-tu rencontré ses descendants
Comme tu as rencontré les miens ?
Comme tu as vécu avec les miens ?

"Jeddi Saïd" est venu me voir il y a un temps
Il est venu s'assoir dans mon bureau
Me dire que cela est bien
Nous sommes enfin en France à notre place
Mais ne te gêne surtout pas
Ce vin que nous ramène ta secrétaire ne me choque guère

Mais je te jure grand-père que c'est la première fois
Je ne sais ce que fait cette Patricia
Elle voulait t'honorer, elle ramène du vin
Elle ne savait pas
Je l'enlève de la table
Il me dit, ce n'est rien, c'est la simple logique des chos
On ne peut avoir sa place ici et refuser le vin
Toi qui parles à tous ces gens et qui les conteste parfois
Toi qui vis au milieu de ce peuple et qui l'aime
Tu as le droit de boire un verre avec eux
Ils sont de ton monde aussi bien que moi
Ce sont tes compatriotes à la vie à la mort
Mais n'oublie pas, je te conjure, l'autre rive

Et je pleure et je supplie
Pourquoi grand-père, toi que je n'ai jamais vu
Viens-tu du monde des morts me parler ?
Ai-je une destinée que tu connais, que tu devines ?
Et il me répète : mon fils, cela est bien
Puis il s'en va comme un seigneur
Je cours le raccompagner
Mais je ne me souviens plus de sa démarche