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Giovanni BENINI

Urbi et Orbi

Michel-Ange  as-tu peint dans la haute coupole
La création d’Adam qu’un seul doigt divin frôle ?
Dans sa discrète majesté, Dieu se retire
Pour laisser à l'homme le souci de choisir,

Le voilà seul, abandonné dans son berceau
Lui qui voudrait de son modèle être jumeau,
Mais exister ne peut être simple fusion,
Pour s'aimer, il faudra vivre en séparation.

Est-ce la tragédie causée par l’élection,
La confiance reçue devient-elle un fardeau
Si lourd à supporter pour les générations?
Chacune recevra un unique flambeau 

Qui devra éclairer ce grand espace vide
Et ce noir infini où l’effroi se dévide
Pour tenter de combler l’écart  pourtant infime
Qui l’éloigne à jamais de son père sublime.

Michel-Ange as-tu peint dans la haute coupole
La gloire de ce Jules, un pape et un césar,
Féroce conquérant, bénissant les épées,
En intrigues, savant, et aux mœurs déréglées ?

Qui rendit à Rome sa gloire et son éclat
Surpassant son rival l’autre César Borgia
A tel point que son doigt trempa dans tous les vices
Et qu’il en contracta l’abjecte syphilis.

Ainsi médité-je sur le sort de la louve,
La cité éternelle aux fabuleux prestiges
Aux palais arrogants tout en stuc et vertige
Et ses basiliques où des martyrs s’éprouvent,

Aux artistes fameux qui tant la glorifièrent
Des piliers de Bramante qui soutiennent St Pierre,
Thérèse en extase sculptée par Le Bernin,
Ou la vierge à l’enfant que Léonard a oint.

Puis, viendra en son temps, le bouillant Caravage
Dont le Christ chancelant va désigner l’apôtre,
Dans cette obscurité qui hante les visages,
La main du fils de l’homme voudrait trouver la nôtre.

Et pourtant la splendeur de la ville immortelle
N’aura pu effacer les intrigues cruelles,
Si l’âme s’élevait dans les hautes coupoles,
Des corps agonisaient au fond des sombres géôles.

L’ordre des Capucins m’aura enfin confié
De l’illustre Rome la simple vérité,
« Nous étions comme vous, comme nous vous serez ».
Ainsi s’adressa-t-il à mon cœur perturbé.

Chapelles, sculptures n’étaient plus qu’osselets
Habilement  sertis dans ce long sanctuaire,
Etait-ce l’ironie de tant de vanités
Qui venait rappeler là notre fin dernière ?

Squelettes insolents au sourire éternel
Au cœur de la cité qui se croit immortelle,
Tout comme ces gisants figés dans leur prière,
Dans ma crypte, j’attends cette ultime lumière.