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Giovanni BENINI

Un sang d'encre

Au Soudan fisssuré de plaies sanglantes
Qu'entrouvrent les morsures du désert
Où les mages envoûtent ces vipères
S'immiscant dans le ventre des orantes,
Régnait en despote Yacoub le dolent,
Plus féroce que le scorpion des sables,
Raffiné en tortures effroyables,
Qu'il exerçait sur ses sujets rampants.
Il avait asservi un nécromant,
Un sorcier sournois et suffisant
Qui sur les épaules gardait sa tête
Par un enchantement inoubliable
C'était ce miroir d'encre inconcevable
Où le vizir formulait ses requêtes.

Les quelques gouttes versées sur la main,
Un talisman, des vapeurs de benjoin,
Des invocations aux Ifrits et Ghouls,
Ces démons sacrés que la nuit refoule,
Lui permettait d'observer les images
Dans sa paume ouverte comme une page.
Ainsi penché sur cet écran magique,
Il vit les plus belles mosquées d'Afrique
Aux coupoles resplendissantes d'or,
La pierre noire née des météores,
Les Bouddha replets de Borobudur
Occultant les turpitudes du jour,
Savoura ces jardins aux mille délices
Où s'abandonnent des vierges lascives,
Quand il aperçut cette ombre furtive
Qui contraria ses onctueux caprices.

Mais comme une vague tempétueuse,
La curiosité supplanta sa peur,
Samarcande et Zanzibar si précieuses
Lui offrirent leur suave torpeur
L'encens puissant, le santal épicé,
Le Zaatar grisant,l'anis étoilé,
Le musc écoeurant des sueurs d'esclave
L'enivraient comme la liqueur d'agave
Mais le spectre masqué se tenait là
Partout il le suivait et restait coït,
Kafir, le magicien le redoutait,
Se confiant au maître, le suppliait
De cesser ces voyages maléfiques.

Mais le tyran devenu hystérique
Exigeait de voir toutes les splendeurs,
Alors le masque dans sa main grandit
Et sur son visage, en grande frayeur,
Se colla puis l'étouffa sans un bruit.
Quand on le lui arracha en douleur
On ne découvrit qu'un crâne hurleur.