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Giovanni BENINI

Un miracle

Quand l’aurore fougueuse éveillait les marins
Sur l’aride presqu’île aux pleurs des lamentins,
On voyait l’orphelin porter à bout de bras
Un seau rempli d’amour mais tout tremblant d’effroi.
Dans sa pèlerine fripée, il traversait,
Merleau aux ailes fragiles, les longs sentiers
Qui ondulaient comme des serpents inquiétants
Dans les lourdes brumes des sinistres étangs.
Un gabier ricanait, un autre grimaçant
Le suivait et mimait le famélique enfant,
Enfin, leurs rires gras agressaient ses oreilles
Comme ces horribles harpies dans son sommeil.

Rien ne le détournait de son ardent projet,
Il allait secourir au fond de la forêt
Ce géant scarifié aux branches squelettiques
Qui lentement mourait sous les vents tyranniques,
Complice de ses jeux aux aubes solitaires,
Dans ce silence aigu quand disparut le père
Et ses mains burinées, sculptées par les saisons
Qui embrassaient ses joues d’un frôlement profond.

La mouette riait de son regard muet,
Les vagues le mordaient, la houle le sifflait,
Sous ses pas incertains, crissaient les coquillages
Et le ciel emportait le troupeau des nuages.
Il venait arroser des racines blessées
Dans l’espoir insensé de les voir se lever
Et que vienne fleurir sur ces bras moribonds
Ce rêve interdit, un fragile bourgeon.

« Pourquoi suis-je abandonné sur ce grand chemin
Où pousse l’épine, quand l’étoile s’éteint? ».
Pensais-tu taciturne en contemplant la nuit
Et son manteau d’ombre qui recouvrait ton lit.
Car les mots prisonniers de ton âme souffrante
Ne pouvaient s’échapper de tes lèvres errantes,
Ta bouche était un coffre scellé à jamais
Qui ne pouvait offrir tous ses brûlants secrets.

Mais rien n’est impossible à ceux qui persévèrent,
Le temps vient accomplir un miracle, un mystère.
Ainsi un matin gris où l’air semblait sans vie,
Penché à sa fenêtre quand ruisselait l’ennui,
Il vit ce vieux tilleul tout frémissant d’azur
Où dansait une fleur aux creux des cannelures.
Accouru à ses pieds, l’enfant émerveillé
De sa voix retrouvée, murmura ce verset :
« D’abord fut le verbe qui est devenu chair,
Il nous a tant aimé qu’il nous légua la terre ».