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Giovanni BENINI

Tu ne vivras pas que de pain (vue d'hôpital)

Deux fienteux tourtereaux sur un zinc olympien
Se chamaillaient les faveurs d’une miche de pain
Le lauréat empanaché paradait autour de son butin
S’affairait, virevoltait, picorait sans fin.
L’autre tantôt sournois, tantôt téméraire
Tentait vainement d‘arracher au cruel propriétaire
Son trésor de guerre.
C‘était l‘ancien régime, la brioche de droit divin
Pour qui l‘on martyrise la galeuse roture.
Parfois sûr de sa régalienne stature
L‘élu de Dieu s‘en allait provoquer taquin
L‘éternelle victime de l‘aveugle destin
Faisant miroiter ses augustes privilèges
Cachés dans son tréfonds caudalement situés.
Ces chassés-croisés composaient un manège
Ballet comique de ballots emplumés
Qui oubliant l‘objet de leur rixe
Poursuivi poursuivant derrière devant
S’éloignaient en lorgnant le joyau convoité.
C‘était enfin la République
Le temps béni de l‘égalitaire Guillotin
Au sacré inaccessible en souffrance
Succéda la très saine concurrence
Bientôt d’autres toqués des villes
Descendirent dans la rivale arène
Cherchant quoi donc ?
On serait bien en peine
Ça se confondait, se mélangeait
Ça roucoulait, sosies certains d‘être distincts.
Mais l‘observateur mal a visé
Troublé par cette fantastique scène
En oublie l‘ultime volaille
Qui profitant de cette belle pagaille
Emporte la mie prédigérée
Et la rend au céleste boulanger
Ce furent les temps messianiques
Où les Dieux envoient leurs messagers
Réconcilier les malvenus, les parvenus
Et les prévenus sans avenir.
Mais tous munis comme démunis
S‘en trouvèrent bien insatisfaits
Dans le fond un peu comme ils l‘étaient
Avant le passage du boulanger.