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Giovanni BENINI

Tôt, l'errance

Usés jusqu'à la corde par de fâcheux fakirs,
Certains mots tombent blets au milieu de l'oseille,
Un Arménien serein, admiré des Emirs
S'en va en sifflotant au pays des merveilles,
Un autre peu flatté s'enquérant d'un asile
Se trouve remballé dans son gourbi sans tuile.
Voltaire a bien plaidé la cause de Calas
Tout en abominant l'engeance de Sion,
Montesquieu adulait du Persan la leçon
Pour le Nègre en revanche, il était peu loquace.
Kant avait accordé au siècle ses lumières
Mais dans l'obscurité, il fustigeait le Noir.
Le fardeau de Kipling dans son oeuvre légère,
C'était l'indigène sauvage et trop bavard.
Quant à Jules Ferry, cet ardent pédagogue,
Il niait l'égalité en preux hystérologue.

On pourrait continuer ce bréviaire insondable
De ces célébrités aux bémols impayables...
En ce siècle fumeux, ami des logophages
Gavé de sophistique et autre herméneutique,
On découvre ébahi les pièges du langage,
Le vertige infini des cercles sémantiques
Comme l'enfer de Dante en spirales ardentes.
On entend dans la phrase une autre voix démente,
Celle d'un schizophrène au rictus de Satan.
Au nom des droits humains, on ravage une ville,
Pour la démocratie, on soutient un tyran,
On salue le courage de martyrs inutiles
En donnant l'accolade à leurs bourreaux princiers,
Avec ostentation, fêtons la République
Et faisons révérence aux VIP's ploutocratiques
Tout en nous déclarant fiers de nos droits innés.

Alors la tolérance erre de-ci de-là
Pareille à Diogène en quête d'un humain,
Parfois, elle s'incarne en un glorieux combat,
Souvent, elle succombe aux filandreux desseins.
Il faut bien le dire si on est tolérant,
C'est bien souvent pour soi et nos nombreux talents,
Des autres, si l'on peut, en faire notre image,
On leur reconnaîtra quelques vertus bien sages.
Et quant à nos lointains, il reste l'exotisme
Dont on peut apprécier l'étrange magnétisme.
La tolérance en vrai ne me fait plus rêver,
Je la sens si fragile en ces années de plomb
Où les nations hurlent leur vile logorrhée
Comme ces loups sinistres au regard furibond
Qui encensaient, bottés, dans les cités détruites,
Leur civilisation et ses valeurs maudites.