Tortification
Les voisins sont insupportables,
Ils sont écrasants de mégots,
Ils ouvrent les tentures, la nuit,
Pendant que je ronge des os de grenouilles
Dans une cave aux murs bourdonnants.
Leur chien n'aboie plus depuis qu'ils le nourrissent
De pâtés d'algues bleues.
Et je dois subir les hurlements de jalousie
De ma tortue hippophage,
Ils visitent souvent mon grenier, déchirent les trophées
De mon passé pour devenir comme eux;
Des festifs amnésiques et lipoïdes.
Parfois ils vont ourdir quelques complots vicieux
Avec l'agent de quartier qui essaie vainement de se cacher
Derrière un réverbère.
Pour s'amuser, ils lui volent son képi
Pour en fabriquer un serf volant
Quand souffle un vent de liberté,
Sachant pertinemment qu'un gendarme sans képi
C'est comme une tortue sans carapace
On en fait de la soupe.
Ils courent toujours avec une garde-robe sur le dos,
Ca les protège des intempéries et des non-sens.
Ah oui, aussi parfois, ils se révoltent, ce sont alors des s
Ils abandonnent soudain tous leurs habits
Dans une boutique lépreuse de maître-chanteur
Et s'enfuient à toute jambe.
Les garde-robes restent seules, un jour puis deux,
Le bois se fendille, le vernis craquèle, on entend des grinc
En tapinois, les voisins reviennent, d'abord timides,
Puis outrecuidants, ils bondissent sur leurs meubles
En poussant des cris de jouvencelles outragées.
Ils les soignent, les dorlotent, redorent leur blason
Se réconcilient en se mordant les omoplates.
C'est vrai que la penderie n'est plus comme avant,
Elle a l'air plus noble, plus vraie, plus spontanée.
Ils la replacent sur leur échine, le poids ne s'est pas all
Pourtant, elle semble si leste, la preuve, ils vont plus vit
Et comme ils me le disent souvent en clignant leur seule pau
« C'est comme une tortue, sans carapace, on a l'air ridicu
